Dégoûté de n'avoir rien trouvé j'ai poussé la porte de cette échoppe qui ne m'avait pourtant rien fait ; l'enseigne indiquait tout simplement Chez Laurent.
Ça faisait bien cinq jours que je cherchais des orants pour ce fichu Défi du Samedi !
« Bonjour, vous n'auriez pas des orants par hasard ? »
Le type s'est agenouillé les mains jointes et j'ai failli repartir; ou ce gars était mime ou bien il était fou …
« J'dois en avoir quelques uns là-dessous » a t-il dit en ouvrant un tiroir aussi bas que poussiéreux.
Il avait dit ça avec un accent maghrébin ou berbère alors j'ai demandé : « Vous êtes d'où ? »
« Je suis des hauts d'Oran » a t-il répondu en se relevant fièrement « vous connaissez ? »
Je ne connaissais pas et il n'y avait pas lieu d'en être fier alors j'ai juste répondu : « C'est donc ça le relent dans votre échoppe ? »
«Un relent ? » a t-il dit «ça doit être à cause de ces vieilleries que je garde mais je ne suis pas fâché d'avoir un client, Monsieur comment ?»
« Monsieur Laurent » ai-je répondu sans réfléchir.
« Ah … vous aussi » a t-il remarqué.
Le premier orant qu'il m'a montré était un orant dévot qu'il appelait « Le dévorant » car selon la légende inscrite dessous il dévorait du beurre de missel.
Pas sûr qu'ils apprécieraient la vanne au Défi du Samedi.
« Vous avez autre chose ? »ai-je demandé.
Il a sorti un orant très différent, éthéré, un orant du genre oxygéné. «Celui-ci on l'appelle le Décolle-orant » a t-il dit fièrement.
Je trouvai qu'il n'y avait pas lieu d'en être fier.
« Autre chose ? »ai-je insisté.
Il en a sorti deux autres … un orant inculte qu'il appelait « L'ignorant » aux antipodes du suivant, un orant éduqué qu'il appelait « L'édulcorant ».
Je n'était pas très emballé et puis il y avait ce relent qui ne donnait pas envie de relever ce Défi.
« Attendez » s'est-il exclamé en raclant le fond du tiroir «il me reste ce vieil orant voûté – façon chapelle sixtine ou seventeen – comme s'il souffrait de rachialgie dorsale et qu'on appelle le Mal au dorant»
« Mal o do rant » ai-je ânonné à la limite de l'évanouissement.
Il me confia que pour le soulager on l'avait perfusé et rebaptisé « Le perforant ».
Le perfuseur était parait-il un orant rebouteux qu'on appelait « Le revigorant ».
Comme j'hésitais entre tous ces orants il me supplia en m'implorant de prendre le lot.
« C'est une bonne affaire » gémit-il « et puis ça débarrasse »
« Vous prenez la carte bleue ? » ai-je demandé sans conviction.
« Je prends tout » répondit-il ravi et il ajouta avec un petit rire «j'accepte même les cheik-reste-orant ».
Ils allaient se marrer au Défi du Samedi en apprenant que j'avais réglé ces machins avec des vieux tickets de la Sodexo !
Comme je repoussais la porte de cette échoppe qui ne m'avait pourtant rien fait, le type me rattrapa : »Prenez ça aussi, ça me fait plaisir ».
« Qu'est-ce que c'est ? » dis-je en prenant l'objet.
Le type avait l'air possédé : « C'est une statuette de vierge Orante, un authentique vestige de l'Acropole d'Athènes qui chante l'Ave Maria quand on la retourne »
Je retournai la statuette en plastique d'un joli vert fluo et je pus lire son épigraphe « Made in Taïwan ».
Ça s'est mis à nasiller : « Ave Maria … Oh mother hear a suppliant child »
Ça ne chantait même pas en latin. J'ai pris mes jambes à mon cou.
Voilà
14 mars 2020
Chez Laurent (Vegas sur sarthe)
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(okay, bon, oui, je sors)
(arrête de me pousser)