Partie de chasse. (suite de : « histoire de truffes ») (Yvanne)
Paulo et Jacky au téléphone :
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Hé Jacky, écoute un peu !Tout à l'heure, en cavant à Cantegril, j'ai aperçu le Louis.
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Encore ! Ça ne lui a pas suffi ? Il lui faut peut être une autre leçon. On va s'en charger mon Paulo.
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Non. Non. Il ne faisait que passer. Il allait chasser.
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Tout seul ?
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Oui. Pas rancunier, il s'est arrêté pour me faire la conversation. Tu me croiras pas : il m'a même demandé si ma truffière “donnait”bien. Il se fout de ma gueule.
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Tu es sûr qu'il allait à la chasse ? Je suis un peu surpris : il fait partie de l'équipe à Pierrot. Et en général, ils chassent en fin de semaine.
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Justement. Il les a lâchés : “tous des cons qui ne pensent qu'à la picole.” Il n'a pas envie de se faire trouer la peau qu'il dit.
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Et il chassait quoi ? La bécasse ? Ça m'étonnerait : il ne s'intéresse qu'au gros.
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Tu as raison : il allait au sanglier.
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Tout seul ? Tu plaisantes ?
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Non Jacky. Il m'a raconté qu'il avait repéré un énorme mâle dans les fourrés de la Besse. Il compte bien l'avoir avec l'aide de son Taïaut. Je pense plutôt qu'il veut le chouraver aux autres.
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Il est quand même fort ce Louis. Son chien est aussi bon à la chasse au gibier qu'à celle des truffes. Ses anciens potes vont le regretter.
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Ma parole, tu l'admires ! Tu dirais pas la même chose s'il te volait tes canards. Dis-donc, Jacky, je pense qu'il se promène toujours là-bas, à la Besse. T'as pas envie de te distraire un peu ?
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Je ne demande pas mieux. Mais attention quand même : il a son flingue. Et comme il n'est pas fin...
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Rejoins-moi à Cantegril. J'y vais de ce pas.
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Qu'est-ce que t'as en tête ? Fais pas l'andouille Paulo.
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Viens je te dis.
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J'arrive.
Un peu plus tard...
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T'en as mis du temps. Dépêchons-nous avant qu'il se lasse de faire le pied.
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Je me demande bien ce que tu trafiques Paulo. Je suis pas tranquille.
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Conneries. Tiens, le voilà ! Le cul en l'air. Je sais pas ce qui me retient de lui coller mon pied aux fesses.
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Qu'est-ce qu'il fabrique ?
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Il renifle la terre pour chercher l'odeur du cochon. Il se relève. Pas de doute, la bête a passé ici. Suivons le chien à distance.
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Si tu me dis pas ce que tu mijotes, je fous le camp.
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Ho Jacky, t'as pas la trouille quand même ? T'inquiète, ça craint pas. Mais je lui garde un chien de ma chienne au Louis. Toutes ces belles truffes qu'il m'a volées ? Tout cet argent perdu à cause de lui ? Il faut qu'il rembourse un peu et à ma façon. Je veux pas lui faire de mal mais me venger. Jusqu'à ce qu'il comprenne.
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Tu peux faire ce que tu veux Paulo. Il a la chapardise dans la peau cet animal.
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On verra bien. Regarde ce fourré où Taïaut vient de s'engouffrer. Le sanglier bauge là. Va te planquer derrière ce gros châtaignier et laisse-moi faire. Voilà le Louis qui s'amène. Je file.
Au bout de quelques minutes, une pétarade éclate. Ô la belle bleue ! La belle rouge ! Et puis la verte ! Un superbe feu d'artifice s'élève au-dessus des buissons d'épine. Un sanglier, noir comme le charbon, déboule à fond suivi par le chien qui hurle à la mort tandis que le Louis qui en a vu 36 chandelles, laisse tomber son fusil et évite de justesse la charge de la bête. Effaré, l'homme regarde à droite, puis à gauche et comprenant soudain sans doute, siffle son Taïaut, prend la tangente, la queue entre les jambes. Comme son chien.
Paulo, sans plus attendre, rejoint son copain écroulé de rire et explique, goguenard :
- Il me restait quelques pétards de l'arrosage du bac de mon fils Jérome.