K comme kaatsing (Adrienne)
Devant le grand portail de l’église, celui qui ne s’ouvre qu’aux mariages, aux enterrements et le premier dimanche de la kermesse d’été, il y a une placette. Elle n’est ni ronde, ni carrée, ni rectangulaire. La petite n’apprendra que dans deux ou trois ans que cette forme-là s’appelle un trapèze.
Quelques lignes blanches y sont peintes. Quand elle traverse la placette, fermement maintenue par la main de sa grand-mère, la petite essaie toujours d’en suivre le tracé en sautillant.
Le plus souvent, on va vers la droite, pour rentrer directement à la maison. Grand-mère marche vite parce que la rue descend. Puis on remonte par la pâtisserie si c’est dimanche et qu’on doit encore passer prendre le millefeuille ou le saint-honoré.
Le plus beau jour de l’année, c’est quand la petite tient la main de son papa. Ce jour-là, des hommes habillés de blanc occupent la placette. Ils se lancent une petite balle en faisant de grands gestes pour qu’elle aille le plus loin possible. Mais généralement quelqu’un la rattrape.
– Pourquoi ils ont seulement un gant ? demande la petite.
Papa ne répond pas. Il n’a même pas entendu la question. Tout autour du trapèze, des hommes crient « Quinze ». Papa discute en gesticulant. Il a oublié la petite.
Parfois personne ne réussit à rattraper la balle. La petite a peur qu’on ne la retrouve plus, comme quand petit frère envoie son ballon dans le jardin d’Oscar, le vieux monsieur d’à côté, celui qui raconte des histoires si terrifiantes sur le Peitie Baboe, ce monstre qui vient la nuit pour enlever les petits enfants. Même les enfants sages.
Puis la balle atterrit dans les pieds de la petite, qui s’en saisit vivement. Elle est dure, tendue de cuir blanc, et on peut y voir le gros fil avec lequel on l’a cousue.
– C’est une drôle de balle, dit-elle.
Mais déjà on la lui retire vivement des mains.
– Ça s’appelle une balle pelote, dit son papa.