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26 octobre 2019

Ma vie sur Utopia (Vegas sur sarthe)

 

J'avais dévoré l'histoire de Thomas More et de son île Utopie en forme de croissant mais quand j'y posai le pied je trouvai qu'elle ressemblait à une banale île flottante.
Je ne fus pas autrement surpris qu'on brûlât sur le champ mes chéquiers et mes cartes de crédit puisqu'il n'y avait aucune notion de monnaie sur l'île et que l'utopien se servait au marché en fonction de ses besoins.
J'allais devenir un utopien parmi les cent mille utopiens qui peuplaient l'île : cinquante quatre villes magnifiques, une seule langue, les mêmes lois, la même retraite à 76 ans et les mêmes institutions; j'aurais dû m'intégrer facilement car nous possédions tout en commun, enfin … tout sauf les femmes.
En venant ici j'avais rêvé de bâtir un château en Espagne mais toutes les maisons en location étaient identiques et pour éviter l'enracinement les utopiens étaient obligés de changer de maison tous les dix ans.
Je me demandais s'il en allait de même pour les utopiennes, sinon les utopiens devaient s'ennuyer à mourir.
Dans mes rêves elle était grande et accueillante; pourtant celle que je tirai (au sort) bien que fraîchement ravalée était petite et sombre avec un jardinet broussailleux, je parle de la maison bien sûr.

Je songeai que dans dix ans j'aurais droit à une nouvelle demeure et que le sort me sourirait mais qu'en serait-il des utopiennes ?
Mon guide m'apprit que les maisons des utopiens n'ont pas de serrure pas plus que les femmes mais en cas d'adultère l'utopien perd sa liberté et devient esclave voire mort si récidive.

Celle qu'on m'offrit n'était ni blonde ni plantureuse comme dans mon rêve et j'allais devoir me satisfaire de ses petits seins pointus et de ses grands yeux étonnés tandis qu'elle me tendait en plus de ses lèvres le certificat attestant un examen prénuptial approfondi, la chasteté étant de rigueur avant le mariage.
J'imaginais aisément qu'après le mariage l'utopien perdait sa liberté et qu'il devenait donc un esclave comme en cas d'adultère, ce qui ne changeait rien au final.

J'avais lu que l'oisiveté y était interdite bien que la journée de travail soit limitée à six heures, ce qui me convenait amplement.
Il me restait à patienter jusqu'à 76 ans pour profiter de la retraite au côté de mon épouse aux petits seins et aux grands yeux étonnés.

Les soirées et les nuits étaient longues d'autant plus qu'il n'y avait pas de monnaie, ni espèces ni chéquier ni carte de crédit, que les jeux de hasard étaient interdits et l'adultère sévèrement réprimé.
J'allais devoir remiser ma mallette de poker et me retenir de loucher sur les autres femmes au demeurant fort attirantes.
Notre mariage fut vite expédié, mon utopienne se révéla si experte dès nos premiers ébats que je doutai de l'authenticité du certificat de virginité mais en venant ici j'étais décidé à ne m'étonner de rien.

Les utopiens qui renonçaient au mariage étaient appelés végète-à-rien; ils n'avaient pas de femme mais s'adonnaient aux délices de cinq fruits et carottes non râpées par jour, ce qui est mieux que rien.
Moi qui avais rêvé d'être un végète-à-tout – foin de leurs cinq fruits et légumes – et de profiter de la vie, des plaisirs et des femmes débauchées, je comprenais que la vie sur Utopie était irrespirable mais ne dit-on pas aussi qu'une vie sans utopie est irrespirable ?

J'avais lu également que les utopiens ne sont pas superstitieux, pourtant ceux que je fréquentais évitaient de poser leurs chaussures sur la table, de croiser les couteaux et de se couper les ongles après 18 heures.
Mon utopienne n'était pas superstitieuse non plus bien qu'elle évitât de tuer les araignées du pied gauche et d'écraser les crottes de chien du même pied ce qui m'exaspérait de plus en plus.
Et puis ses petits seins devinrent plus flasques, ses grands yeux moins étonnés et mes 6 heures de travail hebdomadaire plus ennuyeuses devant la machine à café; aussi pris-je la décision d'en finir avec tout ça et de m'éveiller pour de bon.

Au prix d'un effort surhumain je parvins à ouvrir grand les yeux ; contre mon flanc Robert ronflait, je crois même qu'il me souriait bien qu'il ait encore vomi sur la couette.
Robert c'est le chat.
Dans l'escalier de l'immeuble une radio braillait du Jeanne Mas « Toute première fois, Toute toute première fois ... »
Enfin j'étais bien.
Ne rêvez jamais d'île déserte, ne lisez pas Thomas More, c'est un leurre.

 

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Commentaires
E
j'adore la "banale ile flottante " - un petit peu gênant, même en rêve, que les utopiennes soient des biens de consommation attribués aux utopiens au même titre que les maisons
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B
J'aime l'Utopie je vais aller lire ce livre et on verra bien ;-)<br /> <br /> Bravo Vegas sur Sarthe
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P
C'est beau, l'Utopie...
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T
je te vois bien batifoler dans des jardins luxuriants avec de jeunes esclaves
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P
Je ne voudrais peut-être pas poser mes valises sur "ton" Utopia mais je ne regrette pas la visite !... Aussi drôle que l'île semble ennuyeuse.
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L
Eh ben moi, je vais aller lire Thomas more parce que je trouve que ça t'a donné une pêche d'enfer pour écrire un texte si drôle !
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K
More and More ! Si, si, ça fait un peu mieux apprécier le quotidien, c'est le but !
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W
You don't like it any more ?
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A
franchement, ça ne me tente pas du tout ;-)
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M
Au début, ça avait l'air pas mal...:) , c'est toujours comme ça les utopie ! (rires)
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J
Sans les seins de Vegas-sur-Sarthe, qu'est-ce qu'on fait ?<br /> <br /> <br /> <br /> Pas de textes, en tout cas.
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