Têtes à chapeaux (Lecrilibriste)
Dans la rue des « quatre chapeaux »
Devant sa vitrine à la mode
la chapelière aux cent chapeaux
avait payé une rhapsode
pour attirer tous les badauds
Avec son âme chansonnière
elle avait choisi là, sa manière
de faire connaître sa bannière
elle était sûre de sa méthode
en choisissant une rhapsode
Mais la rhapsode en avait gros
obligée d'pousser sa goualante
pour gagner son petit écot
n'avait dans l'cœur que tremolos
plutôt qu'entonner une andante
L'avait choisi « les roses blanches »
qui fait pleurer dans les chaumières
Toute proche était la fêt' des mères
elle pensait qu'ça ferait l'affaire
La pluie s'invita à au calvaire
La chapelière très en colère
vit se former une grande flaque
sous les badauds et sous les mioches
tirant leurs grands mouchoirs des poches
pour essuyer toutes leurs larmes
en entendant la fin du drame
Lors la modiste soprano
saisit le taureau par les cornes
coiffa l'bicorne à Medrano
qu'elle gardait dans son estancot
et s'mit à chanter subito, karakoe en echo
d' Sacha Distel « Mon beau chapeau »
Sitôt le soleil fit le beau
les couples entrèrent dans la danse
et en choeur tout le monde reprit
le refrain qui les mit en transes
ils chantèrent là toute la nuit
jamais on vit pareille ambiance
La rhapsode voyant filer son écot
ravala ses chansons mélo
et des airs entraînants glapit
des paillardes et tutti quanti
pour séduire ces têtes à chapeaux
La modiste en fut fort ravie
ses chapeaux, tout le soir, vendit
les feutres, les melons, les casquettes
les chapeaux d'paille, en sisal, à voilette
chapeaux d'soleil, de fête et de pluie.
Il ne resta dans l'estancot
que le bicorne à Medrano
qu'elle garda comme un gri-gri
Il avait fait sa fortune
ce joli soir de clair de lune