27 avril 2019

Défi #557


J'ai pensé un instant vous proposer Doudou,
mais je me suis rappelé avoir écrit quelque chose
là-dessus à l'occasion du défi #115
(une époque où, vous le constaterez, les défis étaient
un rien plus compliqués que ceux d'aujourd'hui).

Alors, je vous file un truc où même le CNRTL
ne vous sera d'aucun secours :

Déjanté

 

5571

 

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Le permis de pêche (Pascal)


Les bras en balancier, les doigts joints, la bâche sur le front, la vareuse rentrée dans le pantalon, d’un pas alerte et décidé, je traversais la Cour d’Honneur. Dans cette École, au vu et au su de tous, il n’était jamais bon de traîner seul, au milieu de cette esplanade…

Cet endroit si plat, si rectiligne, si aéré et, paradoxalement, tellement rempli d’embûches, était un pré de joutes occultes. Il s’y lançait des regards noirs, des défis, des « On va se retrouver… ». Approcher trop près un banc d’une région autre que la sienne, c’était signer son arrêt de mort. Les plus anciens cherchaient la castagne, les gradés revêches venaient s’y faire respecter en réclamant des saluts protocolaires ; tels des chefs de meute, les bagarreurs estimaient leurs éventuels adversaires en crachant la salive de leur adrénaline un peu partout…
Un appel ? Une invective ? Une bousculade ? Ne pas se retourner, ne pas répondre et filer au plus vite. Surtout, ne pas sortir la tête des épaules, regarder le sol, marcher vite, comme si on était sûr de là où on allait, c’était le meilleur des laissez-passer…  
Même les officiers ne traînaient pas, comme s’ils avaient peur des attroupements des pirates, ici et là ; sur l’étal du rapt, au cours des ficelles en or, ils pesaient le poids de leur rançon… Imaginez six cents révoltés, les plus baraqués en tête, séquestrant le pacha de l’École ! Il faudrait déployer un sacré contingent de saccos aguerris pour les déloger de ce fort brigandage ! Oui, l’air y était franchement malsain ; pour marcher droit, il fallait éviter tous les coups tordus…
J’avais mes lourds brodequins d’atelier aux pieds et, malheureusement, je ne pouvais pas empêcher leur martelage sur le bitume ; cycliques, mes talons tambourinaient l’allée avec des échos de grosse caisse ; ce n’était pas un jour de fanfare, ni un jour de défilé…  
Forcément, à mon grand désarroi, j’éveillais l’attention de ceux qui n’attendaient que le petit grain de sable à leur simili-quiétude, pour prouver leur grandissime bêtise…

Gamin, quand j’allais à la pêche, d’étude en curiosité, je m’étais aperçu que nombre de poissons attaquaient le leurre, non pas pour le bouffer, mais seulement à cause du dérangement qu’il occasionnait dans les alentours de leur tanière. Mauvaises vibrations, tranquillité perturbée, gêne rémanente, gueule ouverte, ils sautaient sur l’artifice en le croquant de toute leur mâchoire… Au bruit de mes godasses, ce grand échalas qui arrivait droit sur moi, c’était un brochet dérangé par mon déplacement…

« Hé, toi, là-bas ?!... » Je n’en menais pas large ; je sais des trous de souris dans lesquels je me serais caché en oubliant de respirer ; je sais des nuits où j’aurais pu m’éclipser sans allumer la lumière ; je savais mes castagnettes aussi grosses que deux petites olives, dans un slip bocal beaucoup trop grand…
J’accélérai le pas, il fit de même ; il me rattrapa. « Hé, l’apprenti, je te parle !... » Tel un mur insurmontable, il se planta devant moi ; stoppé net dans mon élan, je devais faire face… « T’es sourd ou quoi ?... » Enfin, je levai les yeux sur lui ; en signe de bienvenue, il me cracha sa fumée dans la figure…

Quand le carnassier était piqué à l’hameçon, le jeu du chat et de la souris s’inversait ; le prédateur devenait le chassé. Entre ses cabrioles et ses départs fulgurants, entre mon matériel et mes aptitudes à la pêche, je bataillais pour garder l’équilibre. Parfois, je parcourais la moitié du tour de l’étang pour ne pas casser ; parfois, je rentrais dans l’eau, jusqu’à la ceinture, pour ne pas le perdre. Je glissais sur la berge, je dérapais sur les cailloux, je m’enfonçais dans la vase.  
La lutte était âpre et cruelle, elle était naturellement désespérée, pour lui, et inespérée, pour moi. Plus rien ne comptait que cette capture, le chemin de l’épuisette et le cri de victoire lancé à Dame Nature…

Tout à coup, d’une calotte ajustée, il fit tomber ma bâche ; quand je voulus la ramasser, il donna un coup de pied dedans pour l’éloigner… Ça le fit rigoler ; il regarda son banc pour voir s’il amusait la galerie de ses bleds affalés, dans l’inactivité contemplative…  
Mon bâchi, avec le nom de sa légende, traînant à terre, encore bousculé par un autre de ses coups de pied, me blessa comme une entaille profonde plantée dans mon ego.
Comment dire ? J’en ch… tous les jours avec ces pénibles heures d’atelier, cette bouffe approximative, l’éloignement de ma famille et de chez moi ; aussi, cette bâche, c’était ma couronne de roi, celle qui me prouvait que je m’accrochais encore et que je pouvais gagner le pari d’être ici…

Après une lutte homérique, quand le gros poisson était dans la nasse, loin du bord, je le sortais avec précaution, je l’admirais un instant, lui et sa robe d’argent. Comme il ne faut pas faire souffrir les animaux, je le tuais sans façon, avec un grand coup de bâton derrière la tête ; résidus nerveux, le temps de quelques soubresauts, les ouïes ouvertes, il s’immobilisait définitivement dans ma main…

Le mauvais garçon insista avec sa blague de mauvais goût ; il aurait voulu me faire effectuer le tour de la Cour avec ses shoots de footballeur. Il était le brochet jouant avec son pêcheur. Quand il fut à ma portée, et avant qu’il n’esquive le moindre geste, je lui décochai un coup de gourdin… de brodequin, pile dans un tibia ; tenaillé par l’intense douleur, je vis tomber le grand escogriffe, un peu comme un échafaudage qui s’écroule sur lui-même.
Je ramassai ma bâche et je revins vers lui ; recroquevillé sur sa jambe, il avait tellement mal qu’il ne me voyait même pas, dans le faux jour. Il fallait l’achever, ne pas faire souffrir une pauvre bête ; je me plantai devant lui, ne sachant pas comment tuer un con, et puis je me barrai, le laissant à ses souffrances…  
La bâche sur la tête, je ne vous raconte pas le plaisir intraduisible que j’avais en plantant mes talons sur le goudron de l’allée principale.  L’équipée de son banc ne savait pas trop quoi faire ; il m’avait cherché, il m’avait trouvé, nous étions quittes…

Le petit héros courageux repart vers d’autres aventures et, à l’inverse, le méchant se retrouve puni avec sa guibolle irrémédiablement cassée : ce serait trop bien, si toutes les histoires pouvaient finir comme cela…
Des marches du perron, un gradé avait tout vu ; quand j’ai passé à sa portée, avec l’index recourbé et frétillant, il réclama ma présence devant lui. Ça n’était pas fini, les emmerdes… Hein ?!... Quand je vous disais que, dans cette Cour mal famée, il ne fallait pas y traîner !... Arrivé à six pas, je le saluai comme on salue un amiral ; attendant ses réflexions, je me figeai dans l’attentisme le plus militaire possible…

Un jour, alors que je rangeais un beau brochet dans mon carnier, je vis débouler un garde-pêche, comme un ours à qui on a subtilisé sa proie ; il semblait tombé d’un arbre. Il avait enregistré toute la scène, celle de ce prélèvement dans son étang. Plus zélé qu’un flic au bord de la route du dimanche, il mesura mon poisson, il réclama mon permis de pêche, il fouilla dans ma gibecière, il demanda avec quoi je l’avais pêché ! Pour lui, ce n’était pas normal qu’un gamin comme moi sorte pareil poisson de l’eau ! On aurait dit qu’il était jaloux de ma prise ! En désespoir de cause, j’ai cru qu’il allait vérifier le bon éclairage de mon vélo, si les freins fonctionnaient bien, et si les pneus étaient assez gonflés !... Enfin, n’ayant rien à me reprocher, à regret, il me laissa m’en aller…  

J’espérais seulement que ce gradé ne me demanderait pas de lui présenter mon permis de pêche ; je n’en avais pas pour les gros bras qui croisaient… dans la Cour d’Honneur…  

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morceau de baffée (joye)

savate

C'était Anne de Castagne, tireuse de savate,
Revenant de ses conquêtes, en savate, c’est pas bête !
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Revenant de ses conquêtes, tireuse de savate,
Entourée de belles andouilles, en savate, ouille-youille-youille
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Entourée de belles andouilles, tireuse de savate,
Voilà qu'aux portes de chez Joe, en savate, ohé-ého
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Voilà qu'aux portes de chez Joe, tireuse de savate,
L'on vit trois beaux tireurs, en savate de boxe, buerre de babeurre
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

L'on vit trois beaux tireurs, tireuse de savate,
Offrir à leur Champagne, en savate de boxe, dondaine
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

ilhame-raguig-savate-boxe-francaise-soufflenheim

Offrant à leur Championne, tireuse de savate,
Un coup de pied dans son grand nez, de savate oh ! ohé, ohé !
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Un coup de pied dans son grand nez, tireuse de savate,
Qui bagarre bien sera la reine, de savate, diga-dondaine !
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Qui bagarre bien sera la reine, tireuse de savate,
Elle a gagné, en savate ouilleyouilleyouille
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Elle a gagné, en savate, tireuse de savate,
Anne de Castagne fila des châtaignes, en savate, dis, dondaine !
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Anne de Castagne fila des châtaignes, tireuse de savate,
Les concurrents sont dans la peine, en savate dis, dondaine !
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Les concurrents sont dans la peine, tireuse de savate,
Ils n'ont plus de dents (la haine !), en savate, dis, dondaine
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

Ils n'ont plus de dents (la haine !), tireuse de savate,
Car Anne gagnait toute castagne, en savate oh dis, dondagne
Ah ah ah ! Vivent les savates de joie !

tireur

 Images de savate retrouvées chez Google images

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Castagne familiale (Adrienne)

Mini-Adrienne a une Tantine qu'elle aime beaucoup ainsi qu'un tout nouveau Tonton qui ne parle pas le français mais qui est gentil quand même.

C'est avec le sérieux qu'on lui connaît qu'elle a porté les deux anneaux d'or, noués sur un coussinet blanc, de la maison jusqu'à l'église et pendant toute la cérémonie, jusqu'au moment où il a fallu les confier au prêtre pour la bénédiction. Elle n'a d'ailleurs lâché le coussinet qu'après avoir reçu l'accord formel de sa Tantine.

Mini-Adrienne a été heureuse et soulagée de voir enfin briller les précieux anneaux au doigt des mariés, qui avaient l'air très heureux aussi.

Puis il y a eu la fête et bien d'autres émotions dont il ne sera pas question aujourd'hui.

Quinze jours plus tard, Tantine est revenue de son voyage de noces. Elle avait un cadeau pour mini-Adrienne.

- Ça vient d'Espagne, lui dit-elle, mais la petite n'avait que cinq ans et aucune notion de géographie.

Dans la boîte, il y avait deux machins noirs d'une forme bizarre, noués par une cordelette. Tous les adultes présents ont voulu faire une démonstration sur la façon de bien les tenir en main pour les faire claquer. Aucun n'y est vraiment parvenu.

Mini-Adrienne était impatiente de pouvoir essayer, elle aussi, mais elle a dû attendre que parents, grands-parents, oncles et tantes les aient eus entre les mains.

Elle a même eu peur qu'on ne les lui abîme, tant la tension et l'émulation allaient grandissantes.

- Les grandes personnes sont décidément très bizarres, s'est dit mini-Adrienne, chose que lui a confirmée sa lecture du petit Prince, six ans plus tard.

 

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Duel (maryline18)

 

...À la pagaille d'une castagne, je préfère les duels. Un autre style, me direz-vous, mais quelle classe ! Le rendez-vous est donné ou alors improvisé, pour les yeux d'une belle, dont la beauté ensorcelle...

...Au désordre d'une castagne, je préfère les duels. Pas de mobilier cassé, mais un jeu de cape et d'épée où seule l'adresse et l'agilité permettent de gagner, de garder la vie et l'amour de la bien aimée.

 ...Aux cris confus d'une castagne, je préfère le souffle qu'Eleanor retient, car bien sûr, son coeur appartient déjà au beau Stewart Granger. Gagnera -t-il son amour ou perdra-t-il la vie? Ce défi me donne l'envie de revoir Scaramouche !

...Aux coups désordonnés que distribuent une castagne, je préfère imaginer le bras, fièrement prolongé par l'épée, qui ira peut-être se loger, dans la poitrine du rival...Atteindre le coeur, celà peut faire très mal, mais n'oublions pas l'élégance, qui pardonne, à mon sens, bien des impostures. 

...Aux lendemains calamiteux d'une castagne, je préfère la personnalité révélée, des protagonistes d'un duel. L'un est éteint (mort), l'autre est brillant (vivant). Le plus gracile, le plus subtile, le plus intelligent, a  pris l'avantage. Il y a, vous vous en doutez, plus d'une façon de mener un duel et d'autres armes que l'épée bien sûr...   

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Je m'en bats les ...castagnettes? (Laura)

 

Je suis loin d'être un modèle de beau langage; j'utilise beaucoup le mot de Cambronne et s'y mêle souvent des termes faisant allusion au sexe féminin ou au plus vieux métier du monde, peut-être parce que je suis passée par le sud. Bref, je ne suis pas prude non plus, loin de là.

Mais lorsque j'entends dans la cour des lycées où je travaille dans la bouche des filles, je m'en bats les c....les! ça heurte mes oreilles comme les "fuck" du cinéma anglo-saxon en VO. Ne me demandez pas pourquoi mais je trouve ça moche comme les joggings en molleton hors de chez soi ou de la salle de sport.

Alors pourquoi ne pas dire plutôt, Je m'en bats les ...castagnettes?

 

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La veuve Smith (Val)

 

Ça castagnait dur dans la rue principale de la petite ville de Pueblo. 

Juste devant le saloon. Les hommes volaient par les portes battantes, jetés dehors par le patron. Les prostituées hurlaient, pas tant de peur que pour encourager leurs clients favoris à cogner fort, à faire mordre la poussière à d’autres. D’ailleurs, dans ces rues en terre, il était bien facile de la mordre, la poussière. Cette petite ville d’un territoire à peine colonisé, pas assez civilisé pour être un état, ne l’était pas assez non plus pour paver ses rues, ni même encore pour renoncer aux saouleries, et aux bagarres.  

La veuve Smith, dans sa voiture à cheval, tout de noir vêtue, tentait de se frayer un chemin parmi de la castagne. 

Les hommes, quand ils la virent, cessèrent aussitôt de se battre, ôtèrent leurs chapeaux pour la saluer respectueusement. Et lui ouvrirent la route qui menait à l’Eglise. 

La petite femme très brune et très maigre, d’à peine trente ans, dont la robe noire faisait ressortir la pâleur, leur sourit dignement, c’est à dire légèrement, avec un hochement de tête seulement. C’est ainsi qu’on lui avait appris à se conduire avec les hommes: de manière toujours convenable, afin de ne pas paraître effrontée. 

Et elle n’était pas dupe. Elle savait qu’elle était un bon parti à présent. Fraîchement veuve, encore jeune, sans enfant à charge, elle disposait d’une ferme et d’un bon troupeau de bétail à elle, légués par son défunt mari. De surcroît, c’était une femme humble, pieuse, respectable, qui n’avait pas même l’effronterie de monter à cheval. Une femme bien. De celles qu’on épouse. Les hommes se battraient pour elle. Bien sûr, il se disait dans la ville qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfants. C’était là son seul inconvénient. Mais plusieurs hommes, dont des veufs avec déjà une marmaille à charge, s’en accommoderaient très bien. 

L’office fut célébré en l’honneur de son défunt époux, enterré la veille. Elle parut digne durant tout le sermon du révérend, qui saluait également son courage, sa dignité d’honnête femme. 

À la sortie de l’Eglise, les femmes du groupe de tricot lui tendirent des pains de viandes, des tartes, et toutes sortes d’attentions culinaires. C’était ainsi dans cette petite ville. On était solidaires. Surtout envers les veuves. Être une femme seule en ces territoires hostiles n’était pas simple. La vie y était dure, le travail harassant. 

Elle reprit la route en sens inverse. Ça ne castagnait plus, en ville. Tout le monde était au pique-nique dominical.

Sauf Les prostituées, qui prenaient une pause bien méritée, assises sur les marches du saloon. La jeune veuve, qui portait le deuil dans une robe très stricte et convenable, se surprit à leur envier leurs décolletés si indécents, et leurs effets de maquillage inconvenants. 

Quand elle arriva enfin devant sa propriété, elle sourit enfin. Plus personne ne pouvait l’observer. 

Elle s’occupa de son cheval, puis alla ôter ce déguisement de deuil au profit d’une robe maintes fois raccommodée et d’un tablier de travail. La tâche serait ardue, elle le savait. Diriger seule une ferme, sans mari, il y aurait du travail à abattre. Mais enfin, elle préférait ça à la castagne.

Depuis son mariage, elle n’avait connu que les coups. Robert Smith avait été un très mauvais époux. Méchant et revêche. Et alcoolique. Elle n’avait connu, de son mariage, que les coups, les injures, les privations et les humiliations. Et elle n’était pas sterile, non. Son cher époux avait provoqué maintes fausses couches par des coups de pieds dans son ventre. 

Comme elle avait été malheureuse! 

Mais c’était fini, à présent. Il était mort. D’une belle mort! À lui, la moindre souffrance avait été épargnée. Il ne s’était pas vu mourir. 

Elle se remémora ce soir-là. 

La nuit était tombée déjà . Il n’avait pas dîné avec elle. Il était revenu du saloon, ivre mort, encore une fois. Elle avait su ce que ça voulait dire: elle serait battue fort. Peut-être à mort. Un jour, il la tuerait, avait-elle songé. 

Il était en train de  pisser debout devant le porche de leur maison, dos tourné, quand cette idée folle lui était venue. 

Elle s’était emparée du fusil toujours chargé, posé sur la petite étagère derrière la porte d’entrée, avait attendu qu’il ait terminé de se soulager, lui avait laissé le temps de reboutonner son pantalon et avait tiré deux coups. Dans le dos. 

Il était tombé raide. Mieux valait mourir pendue que sous les coups de cet homme! 

Elle s’était ensuite assise dans le rocking-chair sous le porche, le fusil déposé à ses pieds, et avait contemplé le cadavre de son mari en se balançant, toute cette longue nuit de pleine lune. 

A l’aurore, elle avait entendu des chevaux approcher de la ferme. Elle avait blêmi. Ils étaient probablement venus la chercher. Elle serait pendue. Son courage de la veille avait soudain disparu. La peur l’avait saisie. 

Le groupe de cavaliers s’était approché. Le shérif en tête, suivi du révérend, du patron du saloon et de quelques agriculteurs des environs. Elle n’avait pas bougé. N’avait préparé aucun mensonge, aucun défense. 

Les hommes étaient descendus de cheval et leurs regards s’étaient tournés vers le cadavre. Le shérif s’était approché d’elle et lui avait demandé doucement: 

« Que s’est-il passé, Mme Smith? »

Elle s’était sentie comme paralysée. Incapable de répondre. La mort lui avait fait très peur à ce moment-là. Elle avait montré d’un doigt tremblant le cadavre de son époux et avait bredouillé fébrilement :

« C’est le.... j’ai eu... peur... j’ai tiré... »

Le shérif, à sa grande surprise, l’avait prise par les épaules, l’invitant à se lever. Le révérend s’était approché à son tour et lui avait pris la main.

« Nous savons, Mary. C’est l’ours, n’est-ce pas? Nous sommes à sa recherche depuis hier. Il a déjà tué un fermier et en a blessé un autre. Vous avez voulu l’abattre pour sauver Monsieur Smith, mais je présume que vous n’aviez jamais touché un fusil de votre vie? »

Maria avait alors aperçu une issue favorable à sa situation. Elle avait hoché la tête, tout simplement. 

Les hommes avaient emporté le cadavre avec eux en ville. Et ils avaient envoyé des femmes la chercher afin qu’elle ne reste pas seule. 

Elle avait, le jour de l’enterrement de Smith, était félicitée pour son courage  et sa grande dignité. 

Et aujourd’hui, en tenue de travail, devant sa propriété, elle se sentait forte. Très forte. Elle avait gagné la castagne, cette fois! Plus jamais elle ne serait frappée. Et le monde lui appartenait. 

Le lendemain, c’était décidé, elle monterait l’étalon de son défunt mari.

 

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CASTAGNETTES!! (Venise)


J’ignore encore si c’est la malchance, ou si cette mésaventure était uniquement le fait du hasard.
Toujours est -il que je me suis retrouvée dans un stage de Flamenco au cœur de la belle Andalousie.
Mes origines ibériques découvertes sur MY HERITAGE.ADN m’obligeaient !
Impossible de me ranger aux abonnés absents, il me fallait renouer avec mes racines .v1


Quoi de plus normal de plonger dans l’expression la plus forte . Certes une mission humanitaire aurait été plus utile, mais une étrange passion soudaine envahissait tout mon champ neuronal à l’idée d’embrasser cette danse.
Les ennuis ont commencé quand on m’a confié des castagnettes.
 

v2


Qu’est-ce qui m’avait laissé croire que le maniement des
Castagnettes serait un exercice facile et dénué de difficultés.
He bien c’est une blague !! il y avait même quelque chose d’épique là-dedans une vraie tragédie grecque.
J’aurais pu m’éprendre d’autre chose que du flamenco, je crois même que l’apprentissage de la cornemuse aurait été plus accessible, mais voilà je n’ai pas une once d’ADN irlandaise !!
Je devais être la goutte dans ma généalogie, celle qui fait déborder le vase au son des castagnettes.
Si je devais résumer ce stage je dirais échec, échec zéro pointé
 Les castagnettes ont atterri dans un fracas sur le mur.
Si je voulais comprendre la culture ibérique, je savais qu’il fallait que je la subvertisse c’était donc plus dans le flamenco , ni dans la sangria et encore moins dans la paella que je ferais vibrer ma corde ibérique .
Peu à peu je me suis mis dans l’idée, de célébrer Garcia Lorca .
J’ai avancé dans la pénombre du couloir du cour de flamenco et j’ai clamé tout haut un chant de Garcia Lorca.
C’est peut-être mon imagination, mais j’ai senti la terre trembler de toute l’ANDALOUSIE.v3

 
Sa langue antique me faisait jouir de son éternité.
Ce n’était pas le fait d’être ailleurs à travers sa langue, mais de saisir cette intimité avec mes ancêtres. C’était du sur mesure, alors que les castagnettes me laissaient froide et nauséeuse.
Depuis j’ai cessé de voyager et ce sont les œuvres écrites qui me portent.
Quelques fois j’entends le son des castagnettes qui parle à travers moi et je souris à L’Espagne.

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Castañuelas é Castanyols, Olé ! (Lecrilibriste)


Le numéro d' flamenco
commençait derrièr' l'rideau
cinq claquettes de castagnettes
et le silence s'installait
et le rideau se levait
dans la lumière s'avançait

au son des casta
des castañuelas
et des castanyols
Olé !

Celle qu'on appelait Carmen
cheveux noirs ornés d'un peigne
le dos joliment cambré
rouge fourreau  volanté
créol' dansant à l'oreille
bras pliés ou bras levés
en  gracieuses envolées
tourbillons d' jupons dentelle
comme un' corolle autour d'elle
éclairs blancs dans les guibolles
frappés roulants d' castanyols
talons martelant le sol

au son des casta
des castañuelas
et des castanyols
Olé !

C'était la reine, la vedette
avec son jeu d' castagnettes
qu'elle maniait comme personne
l'insurpassable  Espagnole
tous les yeux la poursuivaient
dans l'rond de lumière ambrée
habitée avec audace
d' virevoltes de volte-faces
au son d' ses castañuelas
et la foule transportée
et la foule enthousiasmée
ponctuait d'olé rythmés

le son des casta
des castañuelas
et des castanyols
Olé !

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