En vadrouille (Venise)
Dans mon pays d’avant
Je vadrouillais, dans l’herbe, et les champs labourés.
Mon œil striait les rivières inconnaissables.
A la rencontre de mon jeune âge, je vadrouillais.
La patience de ma mère, terre unique du repos, mains pleines de Marguerittes
Alors que grandissait sans bruit le figuier du jardin.
Quand la solitude a grandi, j’ai été prise d’immobilisme et mon visage de pierre
Ne tremblait plus.
J’étais l’enterrée vive qui se meurt sous son chêne.
J’avais au fond de moi un gout caché pour la rivière qui court, sinueuse d’onde fraiche.
J’étais restée la femme qui navigue, qui va qui vient, pareil au souffle fragile de l’algue.
A tant d’heures consumées, je me console mal,
A tant de matins non partagés, je me console mal.
Tous ignorent que mon chant nait de cet espace ouvert qui se désire du vent qui nait dans le vallon.
Alors que mon enfance bâille devant les sépultures des anciens
Je renais en vadrouille des chemins oubliés
J’épie, le lièvre et le vautour, je garde sous mes doigts des graviers des rivières vagabondes.
S’entête en moi un désaccord entre mes racines et le vent qui m’ensemence ailleurs.
Je descends de toutes ces nuits enrochées,
Et je chante les fleuves qui roulent, qui dévalent, et qui éclairent d’un jour neuf mon encre bleue .