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Le défi du samedi
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18 août 2018

Les roses blanches (Emma)

 

em

Chante, petite caille, te voici parée pour l'offrande, corsetée pour la vie…

Plus jamais tu ne courras échevelée dans les chemins printaniers, plus de genou qui saigne, plus de brassées d'aubépine, plus de jeux avec les garçons du village. Plus de vélo au bord de la mer, plus de marelle, plus de fous rires.

Ta vie n'est plus à toi.

Chante, petite caille, te voilà prête à rôtir sur le bûcher des conventions…

Content qu'il est, ton papa ! 

De te caser, et d'une, il a quatre filles, le pauvre ! Et surtout de l'union de sa scierie avec le domaine forestier de beau papa.

Chante, petite caille, pour ta mère adorée.

Regarde là, c'est toi dans vingt ans, couperosée, et vingt kilos de plus. Sept enfants aussi. Dont ce crétin de Sven qui croit que tu ne le vois pas ricaner.

Elle aussi avait la taille fine, ta maman, il y a vingt ans, à cette même place, où elle a chanté "quand passent les cigognes" pour la dernière fois.

Pépé, c'est pas seulement "les roses blanches" qui l'émeuvent, il ne supporte pas la musique en général, ça lui rappelle toujours quelque chose. Il a versé des torrents de larmes quand l'oncle Gustav, déjà bien éméché, alors qu'on n'en est pas encore aux alcools forts, a entonné "la cantinière a du poil aux pattes ".

Heureusement qu'il ne se souvenait plus des paroles. Tous les vieux ont alors repris en chœur "Pom pom pom" pour couvrir sa voix. Et depuis Pépé se liquéfie, lui qui a servi dans le 13ème régiment de Uhlans.

Si tu te retournais, petite, tu verrais l'avenir dans le miroir magique…

En grand uniforme, ton joli mari à la fringante moustache blonde, souriant sur le piano dans un cadre doré barré d'un crêpe noir. Lui que tu aimeras vraiment, bien que ce ne soit pas gagné au départ…

Et puis ta petite fille, enterrant sa vie de jeune fille, braillant "les roses blanches" avec ses copines, sur les genoux d'éphèbes mercenaires… avant un mariage d'amour, qui durera trois ans…

Ne te retourne pas, et chante, petite, le champagne pétille !

peinture de Gunnar Berndtson : la chanson de la mariée

 

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Commentaires
B
c'est de toute beauté une époque passée si bien rendu par ton texte Une multitude de sentiment différents m'ont traversée en te lisant <br /> <br /> Merci et Bravo Emma
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V
ce texte là j'aurai aimé l'écrire mais ta verve est unique!!
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K
Comme un film ! et avec le recul on peut (quand même) mieux apprécier notre époque, l'accès à l'éducation et au droit... des femmes !
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W
Bravo Emma ! Ça m'a toujours épaté ces régions où l'on chante aux mariages...
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J
J'ai relu. Nickel<br /> <br /> <br /> <br /> Wow, Emma.
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J
PERFECTION ! Waaaaaaaaaaaaaaaaaaaaouh, Emma ! Wow. wow. wow. Il n'y a pas d'autres mots.<br /> <br /> <br /> <br /> Oh Emma. Wow !! Excellentissime. Vraiment.
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M
J'aime beaucoup le ton à la foi désinvolte et un rien sarcastique...!
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P
Clin d'œil à un passé pas si lointain. Une page " sociologique ", un peu mélancolique, un peu désenchantée et agréable à lire.
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V
"Tire... tire... tire... l'aiguille, ma fille<br /> <br /> Demain, demain tu te maries mon amie<br /> <br /> Tire... tire... tire... l'aiguille, ma fille<br /> <br /> Ta robe doit être finie" chantait aussi Line Renaud.<br /> <br /> <br /> <br /> Tant de chansons dédiées aux petites cailles et aux oies blanches avant que l'émancipation des femmes et l'union libre ne prennent le dessus
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