Voyage en Charcot-freudiennie (JAK)
Pétrus le jardinier s'est absenté trois jours. Il lui tarde de revoir son univers. Et ce tantôt, comme à l’accoutumée, dès potron-minet, clopin-clopant, il descend au bout de enclos pour apprécier l’évolution de son travail passionné.
Cette routine, c’est sa résilience à lui, il s’évade après les longues attrapades avec sa maritorne, pour soulager sa souffrance morale. En un mot c’est le point d’orgue de sa journée.
Mais Pétrus est aujourd’hui dans tous ses états.
En ce mois de juillet, la nature en folie le titille, lui fait un pied de nez. C’est un cauchemar.
Mais qu’à-t-il fait au Seigneur ?
Ce matin c’est la cour des miracles dans son jardin, et il constate avec désespoir les dégâts :
Ici, la petite plate bande que Milou le Fox arrose tous les jours, est rataplan : l’efflorescence des rosiers a fait marche arrière : les roses n’ont même pas eu le temps de vivre l’espace d’un matin : elles sont ravagées par un champignon assassin qui les a éliminées, anéanties en une nuit.
Là- bas un peu plus loin , au verger les pêchers ont pris la cloque , les feuilles boursouflées et rougeâtres sont en détresse. La récolte des beaux fruits sucrés et juteux sera dérisoire …
Il arrive vers les pommes d’amour dont il a semé avec soin des graines en hiver,. Au printemps les beaux jours assurés, les pieds ont été placés avec précaution à l’abri du vent, des tuteurs sont venus les stabiliser dans l’espoir qu’elles atteignent des sommets ….
Ce sont SES tomates. Il les contemple. La rosée bienfaisante les a saupoudrées de gouttelettes, il est aise devant ce spectacle. Son regard admiratif va de long en large sur toute la rangée, et là au bout, c’est l’horreur, plusieurs sont à terre, gisant agonisantes, le pédoncule rabougri en l’air, Elles sont toutes tachetées, a cause de la septriose, ce qui le laisse septique vu les efforts qu’il fait pour l’entretien de ses légumes.
Paniqué, il court comme il peut, vers l’appentis, où il a l’habitude de concocter ses remèdes de bonshommes, Il a le ferme espoir d’éradiquer cette pourriture avec l’un d’entre eux
Dans son empressement, le souffle lui manque, il prend appuie sur son arbre, son vieux chêne, auprès duquel il vivait heureux, alors là, nez à nez avec la chose, il hallucine en découvrant sur le tronc des formes bizarres …. Son arbre est envahi par L’hystérie naine.*
Naine ou pas il éprouve un grand chagrin. Son compagnon, sa source de paix, il va falloir l’abattre..
Écœuré, dans un état de loque, il s’en retourne chez lui, abandonnant ce jardin si ingrat.
Son épouse le guette de la fenêtre, étonnée par ce retour si rapide.
Cette acariâtre ménopausée, de plus en plus hystérique, a décrété de lui imposer une marche à pas glissés sur le plancher : Mais céans, tout estourbi par ce qui lui arrive il ne pense pas à se déchausser, et se désarticuler sur des patins !
Il n’a pas le temps de lui conter ses malheurs, qu’elle le houspille. :
-dehors , les sabots crottés, lance-t-elle, le rouge de la colère aux joues. –
Et lorsqu’il peut enfin lui annoncer les dégâts du jardin, l’infestation de ces cryptogames, avec une moue de dégoutée-ravie elle lui réplique :
- mon vieux, tu n’auras plus qu’à aller les vendre au marché tes champignons….
Sans un mot, pour se remonter le moral alors il court au cellier, où de derrière les fagots il cultive SON reconstituant, quelques brindilles de chanvre .....
Cela le remet de ses émotions, il se calme.
Il se demande s’il n’a pas été aujourd’hui victime d’hallucinations visuelles.
* de son nom scientifique hysterium pulicare