RIVER (Caro_Carito)
Atrabilaire
Je rêve ; ils m’ont traitée d’atrabilaire. J’ai le choix : ouvrir le dictionnaire du grand-père qui trône dans la bibliothèque familiale, fouiner sur wiki ou aller voir un psy. J’avais pourtant cru que le repas de famille, à défaut de bien se passer, ne se révélerait pas anxiogène. Au final, il a fallu qu’ils posent sur la table leurs biles et leurs angoisses.
Atrabilaire
Je pense à ce mec dans cette série, River, celui qui parle avec les morts ; il se sentait différent, limite zombique. Moi c’est pareil. Atrabilaire… Je leur en ficherai. Sale bande de cruciverbistes amateurs de scrabble.
Atrabilaire
Je pique le Côte-rôtie avant que la Bérangère le boive jusqu’à la lie. Je me damnerai pour son bouquet, pour sa jambe, pour son goût qui tient en bouche et son retour. Je gémirais de plaisir s’il y n’avait pas cette tablée de sots dont la complaisance tient lieu d’intelligence.
Atrabilaire
On ne m’y reprendra plus. J’ai pris la tangente avec une part d’un brie qui vaut des épousailles et le Pomerol. Sacré ce pinard. Et un verre en cristal, il faut bien ça. Je gare la bagnole quelque part entre Luynes et Cinq-Mars-la-Pile. Je voyage toujours avec un couteau avec tire-bouchon alors je peux déguster, pour de vrai. Je m’enivre d’un coup en pensant à Baudelaire et tous les autres, les Carver, Baudelaire, Goffette, Neruda, Lorca, Verhaeren, Jaccottet ou bien la Chedid. Et leurs frères… Je m’enivre de vin et de poésie.
Et puis là, à la marge, je regarde le ciel, détrempé comme une aquarelle sombre. Un mélange de nuées et de lumière… atrabilaires. Je repense encore à ce mec, dans River, et je me dis que l’on parle toujours avec ceux que l’on invente, et il vaut mieux l’esprit d’un Morgon que celui d’un bileux de surface.