Le xérès qui a failli nous coûter cher... (Tilleul)
L'histoire que je vous raconte se passe en 1978. L’Europe sans frontière n'existe pas encore. Cette année-là nous sommes allés quinze jours en vacances en Espagne dans un petit village où les rues sans tarmac sont tout simplement empierrées. Il n'y a pratiquement pas de voitures. Les enfants découvrent le patelin aux volets clos, sans crainte de se faire renverser par l'un ou l'autre conducteur distrait. Chaque matin, le berger traverse la « Grand-Place » accompagné de son troupeau bêlant et sonnant – certaines brebis portent, en effet, une cloche autour du cou. Même si nous habitons la campagne, c'est un réel dépaysement. Nous logeons au château. Nos chambres aux murs blancs dont les lits sont uniquement garnis d'un drap – couettes et édredons sont inutiles en été- hébergent parfois un petit lézard qui a fui la chaleur de midi.
Les propriétaires cultivent des tomates, des pêches et des nectarines et nous en offrent par caissettes entières, juteuses à souhait. (Aujourd'hui, on les appelle « les mal-aimés » parce qu'ils sont trop gros ou trop petits ou trop mûrs pour la vente)
Outre ces fruits délicieux, dans les caves du château, il y a également des fûts de xérès et de muscat à la belle couleur ambrée que nous goûtons et re-goûtons avant chaque repas. Une publicité pour une bière belge dit « au plus que tu la goûtes, au plus qu'elle te goûte » ; c'est ce qui s'est passé avec le xérès. Nous décidons d'en acheter un petit tonneau et le casons entre les sièges de la voiture. Dissimulé sous un oreiller, il sert de couchette à nos enfants. (Les ceintures de sécurité n'existent pas encore).
Peu avant de passer la douane française, nous avons conseillé à nos fils de faire semblant de dormir, ainsi, pensons-nous, si le douanier éclaire l'intérieur de l'auto avec sa lampe de poche et qu'il voit les enfants endormis, il ne voudra pas les éveiller...
Le douanier : « Bonsoir Monsieur, bonsoir Madame, vous n'avez rien à déclarer » ?
Notre fils (4 ans) en se redressant : « C'est maintenant qu'il faut faire semblant de dormir » ?