Le don (Caro_Carito)
Ils s’étaient tous penchés sur son berceau, oncles, tantes, chiens, chats, hamsters, ange-gardien, fantômes, pères biologique ou attestés dans les registres, mère de cœur et de ventre, ainsi que la tripotée de frères, sœurs, cousins et petites cousines. Aucun n’était muni de baguette magique mais chacun prodiguait au nourrisson né ce 25 décembre à minuit, non pas dans l’étable mais sur clic clac du salon, mille dons et mille vertus.
L’Emmanuel comme on le surnomma aussitôt les détrompa très vite et, lorsqu’il atteignit ses quinze ans, la famille disloquée par les divorces et les coups hasardeux et habituels du destin ne lui promettait plus rien si ce n’est une vie ordinaire. Le gamin continua donc son bonhomme de chemin.
C’est plus tard, que l’on se rendit compte de son don, ou plutôt du don qu’il avait choisi parmi tous ceux que lui avait donnés la nature. Allez, je vous en dévoile quelques-uns pêle-mêle : imbattable au poker, au scrabble, au bridge et à la crapote – pouvoir infléchir n’importe quelle assertion philosophique en deux coups de cuillère à pot de nutella – découvrir le meurtrier quel que soit le polar, Mary Higgins Clark ou Colin Dexter – ne jamais rater la mayonnaise, le soufflet au parmesan et le bus de 6 h 47. J’en passe.
L’Emmanuel, c’était un gamin, puis un jeune à la barbe naissante et, sans doute aujourd’hui, un homme sage et avisé ; ce sera, si Dieu le peu causant l’autorise, un vieillard à la blanche chevelure et aux idées tranquille. Le doué, parmi tous ce qui lui avaient été apportés en présent dès avant sa naissance, avait choisi – ô sagesse ! – le don d’ubiquité : il savait vivre sur terre et, en même temps, être heureux dans ses rêves.