"Dis M'man, c'est quoi l'extase?" "Et ben c'est un peu c'que tu ressens quand tu t'goinfres de Nutella" "Moi, quand je mange du Nutella je ressens surtout l'angoisse d'arriver au fond du pot" "Euh... envisager l'fond du pot c'est plutôt d'la frustration" "Et dis M'man, c'est quoi l'orgasme?" "C'est plutôt comme quand à défaut d'Nutella tu bouffes ton oreiller" "Ah bon? Et un fantasme?" "Pour les fantasmes, va plutôt d'mander à ton père" ... "Dis P'pa, c'est quoi un fantasme?" "Euh... c'est quand ta mère pense que les pots de Nutella n'ont pas de fond!" "Alors M'man est tout le temps en extase?" "Oui,enfin... tant que c'est moi qui achète le Nutella par cartons de dix" "Et un cauchemar, c'est quoi un cauchemar?" "Euh... c'est quand la fin du carton arrive avant la fin du mois" "Mais P'pa, la différence entre la fin du mois et le début du mois suivant c'est juste un jour!" "Oui mais ce jour-là... comment dire... c'est l'extase" "C'est bien c'que M'man disait... après on n'a plus qu'à bouffer nos oreillers" "Hein? Pourquoi tu manges ton oreiller?" "Laisse tomber P'pa, c'est seulement quand j'ai un orgasme" "Qui t'a parlé de ça?" "C'est M'man... et une extravagance, c'est quoi une extravagance?" "Justement, va demander à ta mère"
Un jour, j’ai entendu une voix qui me disait : « Viens et suis-moi. » Ma première réponse fut de dire à Dieu : « Oui, je veux être ton épouse. » Des propositions comme celle-ci, on n’en a pas tous les jours, des demandes en mariage J’en ai eu quelques unes mais celle-ci me posa un cas de conscience Cela dura des mois, dans un cycle de quelques années où je voulais être sainte. Je voulais être Sainte Thérèse ou rien : je voulais connaître l’extase Telle qu’elle fut sculptée par Le Bernin, architecte de la chapelle qui est son écrin. Je suivais les traces de Jeanne d’Arc, je lisais des récits de martyres.
Monsieur Arthur Rimbaud B.P. 01 au vieux cimetière 08000 Charleville-Mézières
Mon cher Arthur
«Il y avait un jardin qu’on appelait la Terre Il brillait au soleil comme un fruit défendu Non ce n’était pas le paradis ni l’enfer Ni rien de déjà vu ou déjà entendu»
Georges Moustaki
Cette semaine on me demande de parler d’extase. Et mon commanditaire de préciser : « Et ne levez pas les yeux au Ciel, hein ! ».
Dans ce cas c’est tant pis pour les nuages de Barfleur, pour ceux du Cul-de-loup à Morsalines qu’Eugène Boudin chérissait, tant pis pour les vitraux de la basilique de Mézières, ceux de Dieppe ou Varengeville et basta pour le partage de la meilleure des journées, celle des 32 kilomètres de marche sous la pluie de Saint-Vaast-La-Hougue, exit la merveilleuse étape au restaurant « La Bisquine » qui entrecoupa cette randonnée. Je ne parlerai pas non plus de l’étrange grenier de ton musée à Charleville, de ses chaises grises et des enceintes suspendues d’où sort l’étrange musique de tes mots traduits et emmêlés en différentes langues.
L’extase, dont Madame Wikipe nous dit qu’elle désigne un état où l'individu se ressent comme « transporté hors de lui-même », caractérisé par un ravissement, une vision, une jouissance ou une joie extrême, n’a pas grand-chose à voir avec l’exorcisme qui consiste à faire sortir de soi le je qui est un autre.
Mon extase principale de cet été est et restera bien longtemps encore la découverte de cette boîte à lettres fantastique, posée dans le cimetière de Charleville-Mézières, sans mention des heures de levées – tu ne te lèveras plus pour lire mes bêtises – à destination unique : Arthur Rimbaud.
Arthur Rimbaud ! Arthur Rimbaud ! Vous êtes arrivés à Arthur Rimbaud, terminus de la ligne ! Assurez-vous que vous n’avez rien oublié avant de descendre du véhicule !
L’été de Rimbaud ! Extase de la marche autour du lac des Vieilles forges, au-dessus de la Meuse à Monthermé, sur le chemin d’Hautot-sur-Mer à Dieppe ou le long de la mer au phare de Gatteville !
S’il y a bien quelque chose qui nous unit, toi et moi, quelque part, c’est bien ce goût pour la musique des mots, pour ce qui sort de soi et fait qu’un auditeur cesse d’être lui-même pour écouter, entendre ce parler différent, découvrir un coin nouveau de ce jardin humain que chante Moustaki.
Celles et ceux qui pratiquent la musique et la poésie savent le temps que cela prend et le travail qu’il faut fournir avant de parvenir à ces quelques secondes du bonheur de chanter ou d’entendre chanter.
Nous aurons ajouté, cet été de Rimbaud, à notre phonothèque et à nos souvenirs les aventures de Marina B. et Gisèle C. qui s’étaient inscrites à un stage de chant en quatuor et qui, tous les soirs, me contaient les pérégrinations de leur bateau ivre au pays du diapason 415, du canon à 24 voix, des montées de pression entre les voyageurs de ce projet étrange. C’est tout juste si on ne se tira pas dessus au revolver, cette année-là, au conservatoire de Dieppe et à l’Académie Bach ! Normal, on était à Arques-la-Bataille !
Mais au moment du concert, le vendredi soir, silence, admiration, extase : finies, les discussions de spécialistes, les pinaillages sur la prononciation, les fous-rires en cherchant la voiture ou la sortie dans le parking souterrain. Autant en emporte le vent !
A l’écoute de ces dames j’eus presque des frissons. Comment ? La divine mélodie de la Renaissance sortait vraiment de cette même bouche qui me dit quelquefois « T’as mal fermé le frigo » ou « Ca manque de poivre à mon goût » ? – Oui, ne t’inquiète pas, Arthur, chez moi l’extase ne dure jamais très longtemps. Mais, heureusement, ses effets sont impérissables –.
J’ai failli ajouter que la voix me susurrait aussi « Chéri fais-moi l’amour, fous ce réveil en l’air et fais-moi du café brûlant comme tes lèvres » mais de fait, je confonds : c’est la copine de Pierre Perret qui lui dit ça quand le soleil entre dans sa maison et en plus j’ai toujours des doutes sur l’orthographe de « susurrer » qui me fait d’ailleurs plus penser à Ferdinand le linguiste qu’à une fièvre érotique.
Celle de ce dimanche 10 septembre, d’extase, me marquera aussi. Nous nous produisions en concert privé avec mes ami(e)s du groupe Am’nez zique et les Biches aux jardins Rocambole à Bourgbarré (Tu parles d’un blaze ! Tout est annoncé dès que tu tombes dans le panneau !). Un jardin extraordinaire qui aurait plu à Moustaki comme à Trénet.
Vers la fin de ce concert de rengaines « métézorrologiques » nous avons interprété cette chanson plombante, « Nantes » de Barbara, dont je n’aurais jamais cru que j’aurais à la chanter un jour mais, vois-tu, tout arrive, qu'est-ce que je ne ferais pas pour faire plaisir aux copines ! Je crois que nous ne l’avions jamais aussi bien interprétée que ce jour-là. Je la dédie, a posteriori, à toutes les filles qui ont perdu leur père et plus particulièrement à cette semeuse d’étoiles de ma famille à qui c’est arrivé récemment.
Dommage que tu ne puisses pas entendre ces documents sonores, cher semeur d’étoiles des Ardennes !
A ce jour, même mal, le monde continue de tourner et nous, en avançant, de chasser sa folie, les ennuis et l’ennui, tant que faire se peut. De façon extatique et sans besoin du Ciel mais, comme dit la chanson, « Chacun fait, fait, fait, c’qui lui plaît, plaît, plaît ».
A un de ces samedis, cher Arthur !
P.S. Histoire de rigoler un peu après cette lettre tout compte fait assez sérieuse je te livre une des krapoveries que j’avais pondues comme premier jet d’une participation possible à ce Défi « extase » :
« L’extase du navigateur, c’est quand son sextant. ».
Et voilà, c'est reparti ! Emporté par mon élan, j'ai encore fait fort en choisissant un sujet qui ne me concerne pas !
L'extase ! Ce serait pas le domaine réservé des femmes, ça ?
Comment ?
Juan de Yepes Álvarez ?
Ah, je vois que vous aussi vous êtes intéressés au mysticisme, comme moi, aux temps lointains de ma folle jeunesse...
C'est arrivé bêtement : je me passionnais pour Saint-Exupéry et j'avais bien sûr lu toutes ses œuvres (bon, ça fait pas des masses non plus) et une large sélection de tout ce qu'on avait écrit à son sujet à l'époque. Et c'est là que ça m'est tombé dessus : un certain Clément Borgal avait pondu un essai intitulé "Saint-Exupéry, mystique sans la foi" et de fil en aiguille...
J'en ai passé du temps dans les librairies ! Faut dire qu'à l'époque, c'était pas comme aujourd'hui où en quelques clics de souris, vous vous retrouvez au cœur de l'œuvre de Thérèse d'Avila, de Jean de la Croix, de Maître Eckhart, d'Avicenne pour ne citer que ceux-là. Pareil pour leurs commentateurs et pour des centaines d'écrits sur le sujet.
Mais hélas, que ce soit hier ou aujourd'hui, ce n'est pas en parcourant de long en large cette vaste littérature que s'est manifestée en moi le moindre infime début d'expérience extatique.
Mais depuis qu'un moine Zen a déclaré que l'illumination peut surgir en nettoyant les légumes, je ne désespère pas, même plus besoin d'aller se paumer dans le Sahara comme Eric-Emmanuel Schmitt...
Les murs étaient infranchissables. Très hauts , trop gris. Alors je suis parti du bleu du ciel . Qui enveloppe tout le reste . Une étoffe de voile de mariée Vers qui ma joie sans objet s’envolait comme un moineau Un ciel prophétique qui me donnait des ailes Moi le bagnard sur qui Les portes s’étaient refermées. Un mystère enveloppait le silence de ma cellule . Un silence si épais qu’un couteau n’aurait pu le fendre. Un silence paradisiaque qui fracassait tous les bruits du ciel . Et moi dedans , qui ne pouvait arrêter cette hémorragie
De ce bleu qui pénétrait mes veines.
Sans le vent , sans la brise, sans l’odeur Plus aucun intermédiaire et moi comme un enfant aux pieds lacérés par les chaînes Pareil à un perce neige Au cœur de ce vide sidéral je le voyais .
Lui dans sa transparence sidérante .
Dans cette inquiétude tangible il étouffait l’horizon de mon ciel . L’émerveillement qui était le mien , faisait de moi un oiseau mort Un destin minuscule devant sa délicate présence . J’appartenais alors à la confrérie des témoins tels des rayons qui partaient du centre Pour en faire le récit extasié de sa rencontre . Un chant profond remontait des cellules de la prison Cette langue des hommes oubliés à la mâchoire cassée. La relique respirait maintenant si bruyamment qu’on pouvait voir sa poitrine se soulever et le front des hommes se plisser sous le vent . Les murs s’apprêtaient à s’effondrer sur eux comme une erreur judiciaire .
J’ai ramassé des brides de sa présence , Je sais je ne devrais pas voler l’insupportable comme un bègue vole la langue des autres. Une vague géante marche sur l’extase sucrée de ce moment . Depuis j’ai tout oublié avec le voisinage des tendres hommes libres .
Il y avait une pièce à la décoration "seventies" Il y avait une armoire avec une grande vitre Il y avait un balcon d'où on surplombait la rivière Il y avait des boîtes transparentes avec des insectes
MAIS OU SONT PASSÉS LES DORYPHORES?
Il y avait une collection réunie patiemment Il y avait des insectes joliment disposés C'était un plaisir à regarder pour les enfants Et une fierté de celui qui avait fait ça
MAIS OU SONT PASSÉS LES DORYPHORES?
Il y avait des coléoptères, des papillons de mille couleurs Comme chez Nerval ou Odilon Redon[2] Il y avait des hannetons chers aux Egyptiens Il y avait des sauterelles, des libellules
Ben oui, je suis souvent plus inspiré en promenant le chien qu'assis devant mon clavier !
L'ennui, c'est que, même si j'ai un carnet dans une poche et un porte-mine dans une autre, il m'est impossible de noter mes idées à cause du chien qui tire comme un dingue sur sa laisse dès que je fais mine d'arrêter de le suivre.
Oui, je sais, je me suis mal exprimé tout à l'heure : ce n'est pas moi qui promène le chien, c'est lui qui me balade.
C'est ainsi que depuis trois ou quatre jours, chaque fois que la bestiole descend la ruelle pavée de klinkers pour exécuter son traditionnel duo d'aboiements avec l'autre clebs dissimulé derrière une haie à mi-pente, puis, le concert terminé, la remonte d'un air satisfait, mon regard tombe sur une plante poussant courageusement entre deux de ces pavés synthétiques.
Chaque fois je me dis "En rentrant, faut que je fasse une recherche sur internet pour identifier cette herbacée à la floraison typique des solanacées (ou solanées)". Et chaque fois, ça m'est sorti de la tête quand je suis de retour chez moi.
Mais ce matin, ça m'est revenu en réfléchissant aux doryphores car, comme chacun sait, ces bestioles se nourrissent du feuillage des pommes-de-terre et les pommes-de-terre sont des solanacées !
Bref, j'ai identifié la plante en question : il s'agit de la morelle noire au nom vernaculaire extrêmement sympathique : tue chien !
Ce serait une bonne chute, non ?
Mais l'histoire ne s'arrête pas là, en lisant l'article lui consacré, j'apprends que cette morelle noire était utilisée en compagnonnage, c'est-à-dire qu'on la plantait en même temps que les patates parce que les doryphores la préfèrent à ces dernières. Elle est pas belle la vie ?
Et c'est pas fini...
C'est que je ne vous ai pas dit ce que je cherchais à propos des doryphores.
Ça tournait dans ma tête cette histoire de doryphores et brutalement ça m'est revenu : dans ma jeunesse, dans l'immédiat après-guerre donc, je l'avais entendu utiliser pour désigner les Allemands, moins répandu que Boches bien entendu, mais quand même.
La richesse du vocabulaire français lorsqu'il s'agit de désigner l'autre, cet ennemi, est étonnante !
Le doryphore fait partie des zinsectes qui vivent sur la pomme de terre ou ptère en argot doryphore. Ce zinsecte fait partie de la famille des collés aux ptères, alors que le zinsecte collé à la pomme de pin s'appelle une chenille-qui-redémarre tandis que le zinsecte épinglé à la pomme Granny Smith s'appelle une punaise.
Surnommé la bête du Colorado ou "la bibitte à patate" au Québec il est appelé sombre héro au Mexique où il est apparu en premier, tête basanée, thorax brun, pyjama rayé noir (10 rayures pour le mâle contrairement à la femelle qui en possède 10) et élytres jaunes. Le doryphore mexicain a émigré aux Etats-Unis au XIXème siècle – pas folle la guêpe – avant la construction du mur Trump puis il est arrivé en cohortes en Europe avec la mode de la frite à la fin de la guerre de 14 contre des "doryphores" allemands beaucoup moins basanés.
Le doryphore est un insecte oligophage, c'est à dire très tâtillon côté gastronomie: ptère, aubergine, poivron et tomate, il lui faut le gratin du jardin puis des feuilles de tabac pour sa digestion. Grand dévoreur de feuilles, le doryphore fait des trous, des p'tits trous et aussi des p'tits trous; on dit que le doryphore fore. Son repas se compte en centimètres carrés tout comme ses excréments ce qui est une "suite logique des choses".
Le doryphore s'accouple dès que la température dépasse 15°C; on dit que le doryphore fornique. C'est un excellent thermomètre, surtout la femelle qui fait la gueule en dessous de 15°C. Le cri des doryphores se fait entendre lorsqu'ils sont très nombreux; on dit qu'ils pullulent. Le pullulement du doryphore s'entend de très loin; on dit qu'il a la patate.
Parmi les prédateurs du doryphore on trouve la punaise masquée ou punaise Zorro et le sabot de jardinier unisexe taille adulte. Les traitements biologiques tels que le bacillus thuringiensis sont terriblement repoussants rien qu'en prononçant leur nom! On a essayé le purin d'ortie au tabasco, la menthe-grenadine ou encore la discographie complète de Mylène Farmer mais sans succès; d'autres recherches sont en cours actuellement notamment un leurre à base de feuilles d'impôts fonciers.
« Le doryphore déferle sans beaucoup d’efforts Mais avec grand effet Sur les pommes de terre du Mont-Dore Comme Anquetil sur Poulidor : On est bluffé !
Le doryphore est homicide Dans le jardin des Hespérides Où la tomate est pomme d’or Et le Jupiter impavide : Le jeune Hercule tète encore.
Le chrysomélidé, l’abominable insecte, Désespère tout jardinier qui se respecte, L’esprit placide, Et n’emploie pas d’insecticide Contre les soldats allemands ; Question d’affect, Evidemment.
Le doryphore est très doué pour l’oxymore En timide sans-gêne Qui bouffe ton oxygène, En aimable gredin Qui bousille ton jardin, En Dalton de banlieue, Rayé de jaune et noir Toxique dans vesprée, Déchirant robe des champs Au pourpre du soleil ».
Ce sont là ses derniers mots, ceux que l’oncle Jean-Henri Piquechoux a inscrits dans son cahier d’observations scientifiques et poétiques. Après avoir écrit « soleil », il s’est éteint, victime d’une foudroyante crise cardiaque.
L’oncle Piquechoux avait fait fortune en fabriquant et en commercialisant des chaussures à talons aiguilles de luxe. A part l’appât du gain et l’entomologie, il n’avait aucune passion dans la vie et surtout pas celle de la famille.
Tout l’argent qu’il avait gagné était entreposé dans un coffre gigantesque, un espace fermé de la taille d’une salle de cinéma. La légende raconte qu’il venait parfois y plonger, y nager, dans son argent liquide. Il croulait sous le blé, crawlait dans son oseille, faisait de la natation dans ses millions. Il trempait sa barbaque dans ses plaques, faisait le fortiche dans son artiche, noyait son blues dans le flouze.
Parce que le vieux était un grincheux. Le fabriquant de pompes était avaricieux, n’en déplaise à tous ses envieux de neveux. Il y avait Donald le costumier de théâtre qui tirait le diable par la queue. Il y avait Henri, Philippe et Louis qui en étaient réduits à traquer le castor en tant que biographes de Simone de Beauvoir. Tous les quatre furent fort étonnés d’apprendre qu’avant de décéder l’oncle Piquechoux les avait couchés sur son testament. Du coup ils se levèrent, quittèrent le huis-clos de leur salle de bain où ils avaient lavé leurs mains sales et vinrent s’abattre comme des mouches sur les fauteuils de maître Jean-Paul Lanozé, le notaire, pour écouter les dernières volontés du vieil oncle.
Tous craignaient le pire. Le vieux grigou avait sûrement posé des conditions draconiennes à remplir avant que chacun d’eux ne puisse toucher à une part minime du pactole. Sans doute ordonnait-il qu’on prenne soin de ses ruches, de ses serres à mygales, de ses vitrines de papillons ? Donald trouvait patibulaires ces bêtes à mandibules qui s’envoyaient en l’air et les castors juniors avaient pris pour devise « Les insectes nous débectent ».
Et pourtant non, pas de clause tordue. Quand le notaire se fut tu Cardwell se demanda où était l’entourloupe, pourquoi il n’y avait pas coup de théâtre ce soir. Donald, Phi-Phi, Riri et Loulou touchaient bien la totalité du pactole à parts égales. Sans conditions aucunes.
Maître Lanozé leur remit la paperasse l’attestant, les clés et la combinaison du coffre. C’est peu de dire qu’ils s’y précipitèrent.
Las ! Ils n’y trouvèrent que billets en poussières, pièces plus percées que des galettes de Polydor, lambeaux de rêves et miettes d’espoirs.
C’était là la dernière farce du tonton flingueur. Sachant sa mort prochaine il avait introduit, en guise de dernière calembredaine, sa collection d’insectes dans sa tirelire géante. Il était advenu ce qu’avait entrevu cet oncle psychopathe : les doryphores avaient bouffé toutes ses patates !
Ce n'est pas de la roupie de sansonnet, Ce sonnet de Nerval, cet épitaphe Où il se compare tantôt au sombre Clitandre Quand il n'est pas "gai comme un sansonnet"
Je ne prétendrais jamais faire aussi bien En parlant des corbeaux que mon grand-père imitait Ou des serins à nos fenêtres, qu'on enfermait Que dire de l'ombre du héron près du grand bassin?
Comment ne pas évoquer Le chardonneret De Carel Fabritius, rendu célèbre par Donna Tartt Dans un poème qui se désire comme un sonnet?
Pour revenir aux corbeaux de Van Gogh Et à l'ombre des héron des fables de la Fontaine Comme la mort de mon grand-père et de l'artiste
Comment reconnaître une couleuvre D'une vipère: cette question me fait déborder du sonnet Pour parler de "L'homme et de la couleuvre", fable Qui n'évoque ma grand-mère tueuse de vipères
Ni ma mère qui attrapait les orvets, inoffensifs Reptiles comme les belles couleuvres Qui sifflent sur nos têtes de Gorgone du Caravage?