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4 mars 2017

Le Kangourou Magazine (Pascal)

 

Sur une terrasse ensoleillée, pour parfaire le sujet de la semaine, je tournais fébrilement les pages d’un « Kangourou Magazine » quand je tombais sur cet article qui, franchement, semblait bien étrange, au milieu de ma lecture. Curieux, je l’ai lu, comme tout ce qui me passe devant les yeux…

« Quand le débat s’élève, qu’il soit métaphysique, irrationnel ou passionnel, il est une pléthore d’individus qui confèrent à d’autres le bon soin de leurs explications savantes ; ils ont délégué à plus spécialistes qu’eux, sur nombre de grandes questions. Alors, hautains, sûrs d’eux, ils les citent comme les preuves irréfutables de leur savoir. Qu’elles soient de politique, d’économie, d’idéologie, de loi, de religion, etc, ils ne doutent jamais, ils ont leurs références pour tout ; ils ne sont pas pris au dépourvu, il suffit qu’ils ouvrent le tiroir adéquat dans leur mémoire au moment opportun. Alors, d’un bon mot, d’une fière maxime, d’une grande tirade, ils évoquent superbement celui-ci ou celui-là, tel livre ou tel axiome, telle date ou telle occurrence. Indélicats et grands narrateurs, ils coupent la conversation, ils l’orientent sans lui donner d’ampleur et d’intérêt, ils couronnent avec leurs ornements, ils nous servent leur réchauffé comme l’évidence indiscutable du moment, et la conversation cesse en général avec leur point final car leurs conclusions exhaustives  sont sans appel.

Cartésiens par devoir, opportunistes par insolence, ils ont des idées arrêtées sur tout mais elles ne leur appartiennent pas ; c’est cela la vraie Ignorance. Puisqu’ils leur ont mandaté leurs considérations, ils ont adopté les synthèses des autres. De fait, ils vivent par procuration ; leurs dénotations sont butées, leurs exposés sont périmés, leurs affirmations sont centenaires, voire plus.
On peut faire une carrière avec ce genre d’inconnaissance. Illusionnistes, professionnels de la supercherie, camelots hypocrites, du politicien à l’écrivaillon, du journaliste à l’ambassadeur, ils gravitent dans toutes les sphères, ces cosmonautes acrobates ; ils se servent de l’intelligence des autres pour faire croire à la leur ; tout le monde en connaît. Souvent forts en gueule, leur maigre expérience fait jurisprudence devant les autres ; rajoutez-leur du parti pris, des préjugés, des a priori, vous obtiendrez un personnage fat, indélicat, blessant, inadapté, etc.

Malheureusement, ces gens sont sans imagination ; ils sont instruits par tout ce qu’ils ont lu mais ils n’ont gardé que les phrases « phares », qu’ils citent encore et toujours, à hauteur de leur compréhension intéressée. Protégés par ce Savoir d’en haut, jamais ils ne se remettent en cause. Dans le brouet de leur esprit, au fer de lance de leur vie, ils ont leurs intimes convictions, leurs certitudes immuables, leurs argumentations infaillibles. Ils sont un peu équilibristes ; tout leur édifice repose sur ces fondations que le temps érode naturellement avec d’autres événements qui contredisent les précédents et ainsi de suite.
S’ils s’instruisent encore, ils ne lisent que les livres qu’ils comprennent ; ils ont leurs auteurs préférés, leurs sujets de prédilection, pour ne pas se remettre en question et, surtout, ne pas s’apercevoir de leurs lacunes abyssales.
Durant toute leur existence, devant un imprévu de discussion, ils ouvrent machinalement leurs petits tiroirs secrets ; c’est facile, c’est rassurant, c’est sans nulle problématique. Tribuns, devant les yeux des autres, ils agitent leurs marionnettes et le tour est joué.

L’instruction, c’est apprendre et savoir, mais le Savoir n’est pas de citer untel ou untel, de déclamer tel théorème, tel vers ou telle vérité facile, c’est s’élever en élevant les autres dans la compréhension, l’humilité et la générosité.
L’intelligence, c’est effectuer quand on ne sait pas, c’est créer, c’est chercher, c’est apprivoiser la fascination de l’Inconnu. C’est cette faculté d’adaptation, ce pouvoir de disposer de son libre arbitre qui fait de nous des hommes libres et non des aliénés aux préceptes usagés comme seule gouvernance.

Puisque le monde est ainsi fait, nos mœurs sont anciennes, on battit sur de l’ancien et on vit de l’instruction des livres anciens. Conditionnés jusqu’à l’âme, pétris d’acquis, ne vous sentez-vous pas à l’étroit, parfois ? Iconoclastes de ce Passé, nous devrions  constamment nous remettre en cause, affiner nos certitudes avec tempérance, limer la rigidité cartésienne avec des outils de tolérance, ôter son armure de préjugés, jeter aux orties le vénérable et renaître humain. On ne peut pas s’accrocher à des vérités figées dans le temps alors que nous vivons dans le maelstrom bouillonnant de notre planète. C’est notre faculté d’adaptation qui nous pousse en avant. L’Histoire s’écrit au présent ; celle d’hier n’a plus cours, celle de demain est tellement illusoire. Nous sommes tous les apprentis du matin naissant.

Un jour, à force de citer les autres, ces gens, somme toute transparents, sont totalement hors de propos, leurs réflexions sont obsolètes, leurs justifications sont vieillottes. Sur leurs antiques piédestaux, empêtrés dans des toiles d’araignées, ils s’effritent, ils implosent lentement, ils radotent, ils se rabougrissent, ils dégénèrent. Un autre jour, sans bruit, ils s’écrasent sur leurs fondements, ces mille petits tiroirs creux, dans la poussière de l’Ancien… »

Honnêtement, je n’ai pas tout compris. Instruction, politique, intelligence, savoir, histoire, tout se bousculait dans ma petite tête ! Que faisait donc cet article sibyllin au milieu de mes macropodidés ? Je laisse à d’autres le soin de le distiller. Vite, j’ai tourné la page ! L’Australie, les aborigènes, Sydney, les Montagnes Bleues, l’Outback, la Grande barrière de corail, c’est le vrai leitmotiv de la semaine, chez nos amis Impromptus ! Je ne devais m’intéresser qu’à l’emblématique kangourou, à ses mœurs, son habitat, sa façon de se reproduire ! Pour moi, c’était dans la poche ! Le slip Kangourou ? Je laisse au joyeux drille de service le soin de sauter d’Eliane en Eliane…

Vous savez quoi ? J’ai tout rangé dans le petit tiroir, celui des choses irrationnelles ; je trouverais bien quelques mots à balancer à mon auditoire si jamais, fortuitement, le sujet viendrait à sourdre dans le milieu de mes connaissances. J’étais sûr de faire mon petit effet d’omniscient et tant pis s’il me fallait, un jour, m’écrouler sous tout ce savoir démodé.
Nonobstant cette remarque intime, il me restait « l’apprentissage du matin naissant » comme un nouveau lever de soleil rassurant, un de ces matins lumineux où tout reste à vivre… dans la démesure scintillante des Sensations…

 

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Commentaires
B
C'est toujours un plaisir de te lire cher Pascal quel beau texte je suis admirative car je ne possède que de petites rimes <br /> <br /> Un grand BRAVO et Merci pour ce délicieux moment de lecture Pascal
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P
Merci pour vos commentaires sympas.
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V
une occasion à ne pas manquer " te lire'' nous sommes proches la sensibilité ondulatoire voilà une loi de la physique qu'il faudrait comme toi souvent mettre à l'honneur
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E
C'est remarquablement écrit et j'avoue qu'un bref instant, je me suis demandé où étaient passées les gazelles, heu, pardon, les kangourous. ;)
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J
Ça commence par un beau résumé de l'électorat ricain... ;-/
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J
Tout compte fait j'aurais fait comme toi si toutefois j'avais en main ce magazine<br /> <br /> Mais il est bien agréable de pratiquer la métaphysique pour faire bouger les neurones en une sorte de gymnastique même si on n'y comprend rien
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P
Comme le dit si bien le Kangourou Magazine, n'est pas lettré qui veut...et le bonnet d'âne me va ! ( hi ! hi !...han !)
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P
À garder dans la poche...
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W
Faudra que je pense à m'abonner à ce magazine !
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