Deux versants d'une même histoire (Thérèse)
Eglise
A quoi sers-tu donc, Eglise, si les hommes cadenassent tes portes ?
J’avais besoin ce soir du réconfort de tes voûtes profondes.
Je voulais venir épancher mon cœur trop lourd entre tes murs, m’imprégner de ton parfum séculaire, me plonger dans le froid sépulcral de ta nef pour me réchauffer. Je voulais sentir à nouveau cette formidable présence des âmes statufiées, ces purs esprits qui déambulent sous tes vitraux et emplissent tout l’espace. Je voulais demander à Marie la grâce et l’aide providentielle pour eux qui peinent chaque jour : pour lui qui n’a toujours pas de travail, pour elle qui ne sait plus que faire.
Pourquoi faut-il que tes grilles soient fermées ?
A quoi sers-tu, Eglise, si je ne puis me réfugier à l’abri de tes murs ?
J’avais besoin de toi.
Je t’aurais dit « Pourquoi ? », je t’aurais dit « Pitié ! ». Et à genoux, je t’aurais demandé pardon. Pardon pour t’avoir reniée, pardon pour ma colère. Et peut-être qu’alors j’aurais retrouvé l’atmosphère mystérieuse d’antan, celle qui venait bousculer mon âme d’enfant et faisait chavirer mon cœur.
Mais non, ce soir, tes portes sont restées closes. Faut-il donc des heures précises pour prier ? Faut-il établir un planning pour ses états d’âme et pour le désespoir ? Dis-moi, Eglise, as-tu le mode d’emploi pour refouler les larmes ? Explique donc à ceux qui détiennent les clés de tes chaînes que le chagrin n’a pas d’heure ! Je regrette le temps où l’on pouvait entrer et s’abriter chez toi à toute heure du jour…
J’avais besoin de toi, ce soir.
Revenir demain, dis-tu, quand ton seuil sera de nouveau accueillant ! Mais non voyons, demain ma colère sera de retour et mes démons avec elle. Demain mon cœur sera rancœur. Mes yeux devenus secs ne croiront plus aux mirages. Mon âme sera fermée, enlisée dans l’obscurité. Mais que t’importe…
Pourquoi fallait-il que tes portes restent fermées ?
J’avais tant besoin de toi, ce soir !
Chômage
Combien d’espoirs cassés avant de trouver un semblant de bonheur ?
Combien de fausses promesses faudra-t-il supporter ?
Combien d’envies de se foutre en l’air avant de pouvoir respirer un air nouveau ?
Combien de larmes versées en chapelets de prières pour conjurer ce mauvais sort ?
Combien de fois tes mains tendues vers ce dieu qui s’en fout avant que de sombrer ?
Combien faudra-t-il de brouillard avant qu’apparaisse un rayon de soleil ?
Combien de jours gris avant d’atteindre le bout de ce chemin d’incertitude ?
Pourtant j’ai prié pour rompre cette boucle infernale !
Pourtant j’ai crié du plus fort de mon cœur !
Pas assez ou trop mal ?!
J’y avais même cru à ce nouveau possible...
Tellement fort !
Pas assez ou trop mal ?!
Combien d’encre devra-t-il couler pour changer ce destin mauvais ?
Combien de feuilles faudra-t-il salir pour disperser cette mauvaise fortune ?
Pour croire seulement vivre dans ce monde de fous ou simplement exister…
La porte était ouverte… je n’ai pas pu entrer… dans cette maison d’un faux dieu...