Iconoclaste (joye)
Je ne sais pas trop comment cela commença. Un beau matin, ou, plutôt, un beau midi il y a deux ou trois mois, je me réveillai et je vis ce poster affiché au mur, sans doute une blague d’adieu de mon crétin de coloc qui décampa sans payer sa partie du loyer ni les thunes qu’il me devait. Bon débarras, Justin ! grommelai-je en arrachant le truc affiché au-dessus de mon bureau. Je me soulageai à le froisser vigoureusement avant de le jeter à la corbeille.
Et puis une semaine plus tard, après une soirée pas mal alcoolisée, même chose, le poster y était. C’était trop bête, me dis-je, si j’avais repéré Justin parmi mes invités à l’improviste, j’aurais cassé sa sale gueule. De nouveau, j’arrachai le poster et le déchirai, faisant des confettis pour Sally, ma femme-de-chambre-que-je-sors-à-l’occasion qui était encore au lit. Elle n’en était pas trop contente, non, mais peut-être parce que je lui dis après de se payer du shampooing anti-pellicules.
Et puis un mois plus tard, je me réveillai et je revis cette sacrée image de nouveau sur le mur. Cela faisait quelques jours que je n’avais pas revu Sally et au moins une semaine que je me couchai seul, alors, bon, je rêvais ou quoi ? Qui faisait cela ? Le proprio ? Non, ce vioque n’avait pas assez d’énergie pour monter l’escalier, sans parler de venir afficher un truc sur mon mur…
Alors, ce matin-là, j’arrachai l’image, je la mis dans le lavabo et j’y foutis le feu avec mon briquet. Puis je fis couler l’eau jusqu’à ce que le dernier morceau noir disparaisse dans le petit trou. Cíao, pantin, ricanai-je, avant d’allumer ma Gauloise matutinale. Il me fallut un moment. Je ne sais pas pourquoi mes doigts tremblaient.
Bon, ce que je vais vous dire maintenant serait peut-être un peu plus difficile à comprendre...
Alors, oui, ce matin, à mon réveil – et j’avoue que je sors du lit un tantinet plus alerte ces jours-ci – alors, oui, je vis encore l’image au-dessus de ma commode. Je n’étais pas encore sûr de ce que j’allais faire exactement, mais avant de pouvoir y mettre la main, je vous jure que l’image commença à me parler.
Ne me demandez pas ce qu’il dit, passe que moi, je partis en courant, et ce soir, j’ai trop peur de rentrer.