Tempera ou Tempura à chacun sa cuisine (JAK)
Ils sont isolés dans la campagne. La mère et l’adolescent habitent la Toscane., au décor idyllique pour les peintres par la grâce de ses paysages. Le père les a abandonné il y a belle lurette pour la ville et une jeunette..
Une réelle Mama, aux formes généreuses. La cuisine est sa passion et sa consolation.
Chaque jour elle cuisine avec amour pour son fils mille mets qu’il apprécie. Particulièrement des bombolinis, sorte de beignets, une gourmandise aux lipides avantageux.
Par cet état de fait, même si il ne fréquente pas les fast-foods, il n’y en a heureusement pas d’ailleurs dans ce paysage de rêve toscan-, il grossit, grossit, se gonfle, s’enfle, comme la grenouille de la fable.
Il ne peut presque plus marcher, et reste vautré sur son lit, à lire à infiniment
Il a parcouru presque tous les livres de Gilbert Sinoué, car régulièrement son père lui envoie de nouveaux titres.
En effet d’origine égyptienne, ce père volage a un vague cousinage avec l’écrivain, dont il reçoit, à chaque parution un exemplaire du dernier roman.
Esprit de famille oblige.
Ce matin lors de sa lecture en cours, « L’enfant de Bruges », un passage attire particulièrement l’attention de l’ado, il le relit plusieurs fois :
"... il avait aperçu l'étonnante composition :
Une miniature exécutée à la tempera sur un panneau de pin"
Qu’il traduit dans sa tête de linotte, aux neurones encombrés de graisse, obnubilé par la bouffe,
Il avait aperçu l'étonnante composition :
Une mignardise exécutée à Tempura sur un morceau de Pain "
En enfant gâté qu’il est, il enjoint rondement sa mère, avec des hauts cris, de lui préparer ces tempuras. Il en bave d’avance.
Celle-ci, un peu plus érudite que son fils le traite d’idiot ne sachant pas lire.
Elle lui apprend que à la tempéra c'est une méthode moyenâgeuse pour créer de la peinture et que les tempuras qu'il lui réclame sont des beignets japonais, et pour rien au monde elle ne ferait de cuisine nipponne. Elle a encore en tête un épisode qui l’a marqué durant la seconde guerre mondiale : Zampieri * son cousin issu de germain, et d’autres camarades, avaient dérivés durant plusieurs jours dans un canot de sauvetage avant d être capturés par les Japonais, connus pour leur traitement inhumain des prisonniers de guerre, sans parler de la faim qu’ils endurèrent.
Et ce qu’il lui avait raconté en revenant, maigre comme un beignet sans gras, était resté dans sa mémoire. Il ne fallait surtout pas lui parler du pays du soleil levant et bien moins de ses habitants.
Mais ce qu’ignore la signorina, c’est que tout comme Monsieur Jourdain pour la prose, les beignets qu’elle mitonne sont des fritures d’origine japonaise, les fameuses temperas.
Néanmoins, pour faire plaisir à son fils vénéré, elle concocte alors une recette, s’inspirant de la méthode moyenâgeuse de peinture, c’est une artiste !
Elle se met à ses pinceaux de cuisine , prend de la farine de mouture ancienne fuyante et plâtreuse, rajoute un jaune d’œuf , un peu de graisse, quelques pigments de safran pour donner un ton jaune, du chlorure de sodium , un peu de gélatine faisant fonction de collagène , étale le tout sur sa planche à découper et badigeonne avec rage les pochons qu’elle manufacturés avec ses mains noueuses.
Elle les appellera les TOSCANABRUGES
Pour une réussite, c’est une réussite … son fils se gave et prend à la suite quelques kilos de plus.
Ainsi elle pourra le garder pour elle seule, les belles toscanes n'auront nulle envie d'un tel beignet lipeux.
Nota l’épisode guerre est inspirée du film invincible des frères Cohen
*pseudo pour garder l’anonymat