L‘ancrage indélébile (JAK)
Hamelia est écrivaine, poète à ses heures.
Elle trempe journellement sa plume d’oie dans l’encrier maniant la parodie et la satire pour enchanter ses lecteurs, les porter à la réflexion au-delà de l’intrigue qu’elle développe dans ses Bestsellers.
La passion qui l’anime alors active son hémisphère sud. C’est ainsi qu’en riant elle désigne la partie cognitive de son cerveau. Le sud par analogie à l’allègre chaleur qui l’envahit dans ce moment-là.
Ce matin, le givre, tétanise ses pas dans le jardin. La rue n’est pas épargnée. Elle craint une escarmouche avec le sol, alors prudente pour ses os fragiles, elle se cantonnera dans son nid protecteur, hérité de son aïeule, où désormais elle coule des jours d’écrivaine, loin des mondanités
Présentement, La couleur du temps ne l'incite pas au travail, ce ciel chargé lui fait voir la vie en bleu ardoise, ceci, ajouté au scandale relatif à sa vie privée qui s’est étalée hier dans les médias, font que sa mélancolie s’accentue.
Elle est mal dans sa peau.
Pour tromper cette morosité, et pratiquer quelque peu d’exercice, elle emprunte les marches qui mènent au grenier des anges, ainsi nommé par son aïeule, collectionneuse de figurines d’angelots sculptés, d’archanges et autres chérubins. Certains anges sont impressionnants, grandeur nature si tant est que l’on puisse connaitre la taille exacte des anges
Ignorant ces sculptures qui pour l’heure ne l’intéressent guère, elle se dirige vers la tour, curieux arrangement de cette construction pseudo moyenâgeuse dont les fenêtrons offrent une vue élargie sur le paysage.
Le nez collé au carreau elle s'engouffre dans ses rêveries habituelles propices à sa créativité.
Des nuages palpables planent au-dessus du paysage tout blanc de dentelle.
Elle découvre au loin une maison poudrée à frimas.
Il lui semble à ce moment, revoir la belle maison bleue entourée d’arbres majestueux de sa Provence natale.
Autour de la maisonnée, elle distingue les plaqueminiers; leurs fruits, sous le givre, ont pris l’apparence des oranges de sa jeunesse.
Trop d’émotions la submergent, ses yeux se voilent, des larmes coulent comme pour chasser cette sombre nostalgie qui s’est incrustée en elle. Il lui revient trop de souvenirs…
Exaspérée, à l’instant même elle prend une décision, ferme et définitive, -lui semble-t-il -: dorénavant elle fera fi des perceptions destructrices du passé qui l’habite. Ne plus s’appesantir sur son égo, c’est la solution pour ne plus souffrir…
Mais hélas cette souffrance est justement la moelle qui l’irrigue, substance oh combien nécessaire à sa créativité, sa sensibilité en est imprégnée
Alors, elle descend de ses nuages et de son grenier retombe dans sa dépression, sorte de bipolarité qui lui permet d’exacerber son inventivité débordante d’idées.
Elle va exorciser cette souffrance.
Elle trempe sa plume dans l’encrier et ardemment, ébauche un nouveau roman sur son enfance, dont le titre est révélateur:
L’ANCRAGE INDELEBILE