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Le défi du samedi
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7 janvier 2017

La rivière (Thérèse)

 

Dans le soir qui commençait à ourler d'ombres la campagne environnante, il avait d'abord cru à un mirage qui dansait dans les lumières du couchant. Une fille aux longs cheveux d'or s'avançait dans une robe aux couleurs du temps sous les hauts arbres de la forêt.

"Viens !", lui dit-elle.

Et sans plus réfléchir ni poser de questions, il lui prit la main et la suivit sans un mot.

Ils arrivèrent au milieu d'une clairière devant une maison bleue qui semblait flotter hors du temps. Et là, bien à l'abri des regards indiscrets, durant toute une saison ils s'aimèrent d'une passion dévorante tandis que des orangers au parfum sucré semblaient monter la garde devant leur porte, protégeant ainsi leur vie privée. Pendant qu'ils apprenaient ainsi à se connaître, des rosiers odorants s'élevaient vers le ciel, des glycines, rivalisant avec le lierre, s'enroulaient amoureusement sur les murs. Et la rivière chantait...

Dans le matin naissant, ils partaient à la découverte de leur royaume. Elle lui apprit le nom des fleurs qui poussent sur les talus, les timides qui se cachent sous les brindilles, elle lui expliqua le nom des plantes qui soignent, elle lui montra la force paisible qui émane des grands arbres, et jusqu'au moindre des cailloux qui roulent dans l'eau claire. Et la rivière riait...

Puis un soir, à l'heure incertaine où le couchant magnifiait le ciel dans une farandole de couleurs extraordinaires, un soir funeste où les nuages se déchiraient en longues traînées bleu ardoise, mêlées de pourpre et d'argent, elle lui dit : "Le temps est venu pour moi de partir mais il ne faut pas que tu sois triste. Tu dois me promettre de ne pas pleurer. Dès demain, monte jusqu'au grenier de cette maison et tu y trouveras de quoi écrire. Alors, pour ne pas oublier notre histoire, je veux que tu l'inscrives sur le papier : ce sera notre souvenir à tous les deux. Et il n'en sera que plus beau."

Malgré son chagrin, il écouta la belle mystérieuse et, à l'aube, il monta les marches qui le conduisirent dans un endroit secret. Les yeux écarquillés, il découvrit avec surprise un sol jonché de plumes immaculées. Il s'avança d'un pas incertain avant de comprendre enfin qu'il se trouvait devant des ailes : des ailes d'anges, grandeur nature, des ailes perdues par des êtres qui avaient trop aimé sans doute et n'avaient pu les revêtir à temps, des ailes abandonnées là, le temps d'une pause sur terre. Toutes les suppositions les plus saugrenues lui passaient par la tête. Soudain, un courant d'air fit voltiger à ses pieds un fin duvet, telle une plume d'oie qui se mit à briller dès qu'il la ramassa. La caressant doucement, c'est alors qu'il remarqua, au centre de la pièce, un encrier aux couleurs arc-en-ciel. Etaient-ce les larmes des anges, déversées en ce réceptacle !?
Au loin, on entendait la rivière qui pleurait...

Malgré lui, il sourit à la pensée d'avoir aimé un être aussi pur, aussi beau, aussi parfait. Se souvenant de sa promesse, il trempa sa plume dans l'encrier et se mit à écrire... Dans sa tête, il entendait clairement la fille aux cheveux clairs : "Dis-leur que l'amour est plus fort que tout, apprends-leur ce que je t'ai dévoilé !"

Dès qu'il eut terminé, son esprit libéré, il referma en soupirant le grenier des anges.
C'était une maison bleue, aux confins de l'hémisphère sud, dans le parfum sucré des orangers des anges... Tout près de la maison, la rivière chuchotait...

 

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Commentaires
B
Wahou quelle beau texte tout en douceur et en poésie Merci pour ce merveilleux moment de lecture et Bravo Thérèse
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M
Comme c'est BEAU, DOUX et si poétique !!! Un grand bravo à toi Thérèse !!!
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J
Magnifique !
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P
Rivière qui nous murmure un texte enchanteur et joliment poétique.
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J
J’ai dévoré ce texte jusqu’au bout d’un seul souffle : une belle réussite, un vrai moment de bonheur à le lire
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T
La rivière chuchote et les lecteurs de ce beau texte sourient...
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P
Excellent ! Un régal de lecture.
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W
S'il y en a un qui ne trouve pas ça poétique, je lui vole dans les plumes !
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V
Très belle poésie, Thérèse. Tu as su marier les mots pour nous les imposer en douceur... la rivière n'a pas fini d'en pleurer
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J
~ ♦ ~ <br /> <br /> <br /> <br /> Elle chuchotait comme nous chuchotent tes mots :<br /> <br /> Comme elle, leur musique est douce et coule à flots.<br /> <br /> <br /> <br /> ~ ♦ ~
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