IMITATION (Lorraine)
Mais non, il n’imitait personne, ce beau chat d’un autre siècle. Il savait très bien lire et écrire, c’étaient d’ailleurs ses plaisirs préférés. Quand sa maîtresse dormait, il se coulait à son bureau, soyeux et pensif, et d’une écriture fine et déliée racontait sa petite journée de chat.
Il lui arrivait aussi de parler de cette jeune femme qui lui tenait compagnie et, indiscret (seulement un peu) de confier à son Journal la visite du comte de Villeneuve, si délicat, ou du baron Gaétan de Beauregard, joyeux et inventif, qui racontait des histoires folles et ne manquait pas d’égratigner au passage le comte de Villeneuve de qui il était un peu jaloux. Maître Chat, dans son grimoire, le blâmait un peu, mais si gentiment., car tous étaient des gentilshommes.
Il n’était pas chat de gouttière sa maîtresse l’avait choisi dans une nichée de la comtesse Petruschka, qui parlait si curieusement le français. Et c’est bien connu, le chat d’une comtesse est un comte, il l’avait compris une fois pour toutes. Et il acceptait, du bout de sa patte, les caresses des visiteurs, et faisait semblant d’être sourd quand ces Dames jacassaient en prenant le thé. Même s’il retenait tout et s’en ouvrait parfois dans son grimoire.
Je regarde ce tableau » Imitation » et je m’envole dans la chambre close, pour lire, par-dessus son épaule, les potins de Maître Chat. Il m’accueille quand je suis triste et son ronronnement d’autrefois m’apporte la paix du soir. Et le sommeil.