Participation de JAK
C'est en passant devant cette chapellerie que toute l'affaire me revint en mémoire ....
C’est une sombre histoire que je vais vous narrer là. Je l’ai vécue dans ma tendre enfance.
Dans les années 45, dans une petite bourgade de province, où comme tant d’autres dans l’hexagone, chacun s’observait, il était de bon ton d’avoir une tenue vestimentaire impeccable, même si la situation n’était pas au diapason.
Les hommes arboraient un couvre-chef, qu’ils soulevaient lorsqu’ils saluaient les passants dans la rue. Les femmes exhibaient des bibis, souvent agrémentés de leurs mains avec des fanfreluches laissant deviner des cheveux bien soignés.
Un ami de mes parents vint à décéder, il était dans la quarantaine.
Dans le village il était aimé de tous, principal employé municipal, chacun avait eu l’occasion de le rencontrer et d’échanger des mots gentils avec lui car il était de bon service, bienveillant, arrangeait tout le monde, riches ou démunis
Il laissait une veuve et 4 orphelins, en bas âge ce qui chagrinait davantage la population.
Inutile de vous préciser que l’église fut bondée car il était pratiquant. Même les mécréants s’y rendirent – restant toutefois debout dans le fond de la nef- pour lui rendre un dernier hommage.
Un psaume entonné par la chorale appesantit tristement l’assemblée, plusieurs pleuraient en sortant sur le parvis de l’église.
A cette époque, la coutume était d’accompagner le mort jusqu’au cimetière où le curé y faisaient une ultime bénédiction.
Ce cimetière était à 3 ou 4 kilomètres de la paroisse, et un cortège, avec en-tête la veuve chapeautée d’un voile noir, commençât lentement, suivait la famille puis tout le village formant une longue procession ondulant comme un serpent.
Ce cimetière était sur un promontoire élevé, et le dénivelé pénible faisait sortir les mouchoirs, épongeant discrètement des nez larmoyants, et surtout subrepticement, des tempes moites.
La procession enfin accéda à une petite place ombragée, où chacun put alors reprendre son souffle.
Mais c’était sans compter sur les éléments naturels, capricieux en cette période de l’année, et un vent violent soufflât d’une façon intempestive, et ce qui devait arriver arriva : tous les chapeaux s’envolèrent dans toutes les directions.
Chacun courait après le sien dans des fous rires irrépressibles, faisant contrepartie au chagrin accumulé
Et ce fut une belle pagaie, et le mort lui-même fut abandonné à son sort, sur son catafalque, le drap mortuaire dissimulant son cercueil envolé lui aussi.
La débandade dura plusieurs minutes, puis tout se remit en place, mais on voyait bien dans les regards et les comportements confus qu’il restait des lambeaux de cette scène un peu trop déplacée.
Le mort fut enfin mit en terre mais longtemps dans le pays on se souvint de la scène épique de sa mise au tombeau.