Défi #401
Laissez-vous inspirer par ce tableau
d'Emile Friant intitulé
"La petite barque" 1895
Envoyez vos impressions à
samedidefi@gmail.fr
A tout bientôt !
Ont fini par prendre une poussière dans l'œil
Venise ; Vegas sur sarthe ; Laura ; Marco Québec ;
Lorraine ; Pascal ; Clémence ; Ristretto ; Walrus ;
JAK ; joye ; bongopinot ; Joe Krapov ; EnlumériA ;
POUSSIERES D’ETOILES (Alain André)
Poussières ; Nous ne sommes que poussières ! Regardez une poussière : Sa masse et ses effets sont insignifiants mais pas nuls. Presque rien, trois fois rien, moins que rien…Mais jamais « rien du tout ».
Nous ! Êtres humains, condamnés à danser dans la lumière ; Divaguer entre poussières… Dans la lumière ; Vagues acides aminés tombés de quelques étoiles inconnues , plus ou moins bien agencés en nucléotides, formidables amas de molécules d’ADN (1) dont la fonction vitale reste un mystère pour nos cerveaux limités , nous qui nous croyons supérieurs !
Homo sapiens, tu parles ! Homo, d’accord mais sapiens si peu !
Et nous nous trouvons beaux ! Mais le pou aussi se trouve beau et trouve les autres poux très beaux et désirables, tous les insectes, tous les animaux se trouvent très beaux les uns les autres ; et nous trouvent très laids ! Et pas du tout désirables ! (Heureusement, sinon, ça serait le bordel ! C’est déjà pas la joie mais... Alors !)
Compte tenu que 99% des êtres vivants sur terre sont des insectes, le reste des animaux (dont notre espèce) représente 1%... alors… nous… si peu ! Et on se croit malins ! Arrogants que nous sommes, persuadés qu’un Dieu ne se préoccuperait que de nous, qu’il serait attentif à chacun de nous, individuellement, comme si nous étions les plus importantes merveilles de la nature ! Les seuls à avoir une intelligence et une sensibilité ; les seuls dignes d’intérêt ! Ben voyons !
De fait, si nous observons cette nature, quelle profusion de vies, de formes, de couleurs, d’intelligences ! Comment ne pouvons-nous pas nous émerveiller et admirer cette extraordinaire multitude d’êtres vivants qui créent, construisent, inventent, jouissent et souffrent. Et ne pas nous rendre compte que notre planète, elle-même, n’est qu’une infinitésimale poussière dans l’infini cosmique ; Merveilleusement belle, fabuleuse poussière certes, mais tout de même infinitésimale !
Nous pouvons nous rassurer, (surtout entre nous, c’est plus commode) Se dire qu’on est quelque chose, qu’on a une importance relative, qu’une petite poussière peut faire de grandes choses ; Qu’en étant groupés, on se sent plus forts.
Mais c’est là que le bât blesse ! Nous ne parvenons pas à vivre en groupe, ou alors en petits groupes, tous opposés les uns aux autres, jaloux, envieux les uns des autres, violents, voleurs, violeurs, agressifs, prompts à nous entretuer, pour un territoire, pour des idées, pour rien, parfois, mais nous trouvons toutes les raisons de s’entretuer ! Sous la coupe d’un ramassis de psychopathes meurtriers, de fabricants d’armes qui nous dirigent, de banquiers prêteurs sur gages qui financent les canons : « Battez vous, ça fait marcher les affaires, et puis ça fera moins de bouches à nourrir, encore plus pour nous, toujours moins pour les autres ! »
Nous sommes la seule espèce de poussières à nous entretuer dans une même espèce ; La seule espèce animale qui tue d’autres animaux pour d’autres raisons que pour se nourrir !
Et vous, vous qui êtes des lumières, voulez vous venir danser avec nous, au milieu des poussières ?
(1) Une molécule d’ADN humain contient 3 milliards de nucléotides, et est composée de 150 milliards d’atomes ! La longueur de l’ADN déplié d’un corps humain serait de 120 mille milliards de mètres soit mille fois la distance de la terre au soleil…ce qui n’est quand même pas rien !
FEUX (EnlumériA)
Comment nous nous sommes rencontrés ? C’était un soir d’été. Je trimbalais un ennui distingué du côté de Saint-Hilaire de Riez où j’étais parti passer quelques jours. C’est ma sœur qui m’avait exhorté à prendre l’air ailleurs comme elle disait. Elle insistait depuis pas mal de temps déjà en expliquant que de rester cloîtré entre ma télé et mes plantes vertes finirait par nuire gravement à mon moral. Las de ses calembredaines, j’acceptai sa proposition et les clés de sa maison en Vendée.
On donnait un bal avec de vrais musiciens, pas ces stupides Disc-jockeys qui ne font ni plus ni moins que de jouer du phono comme disait l’oncle Édouard.
Près de la buvette, je remarquai une femme magnifique, toute en blondeur et en grâce. Vêtue d’une robe blanche et coiffée d’une capeline hippie chic. Je m’approchai, commandai une bière et je me lançai à l’eau, le cœur battant. Deux ou trois banalités jetées à l’emporte-pièce. L’air de ne pas y toucher. J’évoquai le climat, la douceur de l’air, les senteurs océanes sur un ton désinvolte et faussement blasé. Elle répondit avec un inexprimable sourire dans la voix. Son regard scintillait. Sa longue chevelure dansait sur ses épaules nues. La conversation prit peu à peu naissance, sans qu’on y prenne garde. Pourtant, la conversation est un art où d’habitude je n’excelle pas. Sauf peut-être quand je m’adressais à mes plantes vertes. Mais ce soir-là, je ne sais pas, je sus sans doute me montrer brillant.
Il arriva que l’orchestre enchaîne sur un tube des années 60. Le chanteur fit quelques blagues à propos des vieux couples qui s’étaient rencontrés sur ce slow. C’était un humour un peu lourdaud, mais il se fit pardonner ensuite par son interprétation de A Whiter Shade Of Pale. J’invitai la dame à danser après m’être présenté. C’est la moindre des choses vous savez. J’appris qu’elle se prénommait Viviane. J’aurais tellement souhaité être son Merlin et j’allai le lui avouer lorsque tout à trac, elle m’apprit qu’elle était mariée. Que monsieur devait la rejoindre dans quelques jours, deux ou trois peut-être. Retenu à Paris par son travail.
Avez-vous déjà entendu un chargement de bidons métalliques tomber d’un camion ? C’est à peu-près le bruit que fit mon âme ce soir-là. Voilà déjà une demi-heure que je me faisais un film et la séance s’achevait brutalement. Le coup de foudre, quand vous le prenez en pleine gueule et qu’il se révèle sans avenir… Pfff ! Plutôt le choléra !
Nous nous sommes quittés « bons amis » comme on dit. J’eus droit à une cordiale et chaleureuse poignée de main et à un « peut-être un de ces jours » qui me glaça le cœur. C’était sans compter la force du destin ou une suite de miraculeuses coïncidences.
Je croisai le couple reconstitué quelques jours plus tard, sur la place du marché. L’on m’invita à prendre l’apéritif à une terrasse. Je fus très embarrassé de trouver le mari sympathique et plutôt bel homme. J’aurai tellement aimé tomber sur un pandour mal dégrossi. J’appris qu’il était artificier et travaillait pour une entreprise de la région parisienne. Les feux d’artifice, c’était son rêve d’enfant réalisé. Ce type avait toutes les veines et moi, j’étais éperdument amoureux d’une femme inaccessible.
Nous nous revîmes assez souvent. J’étais devenu l’ami du couple. Celui qu’on invite le dimanche midi et qui apporte le vin pour le mari et le bouquet pour l’épouse. Vous pourriez croire que je souffrais de cette situation mais pas du tout. J’en étais le premier surpris et j’en arrivais à la conclusion que l’amour que je portais à cette femme était tellement pur, tellement sincère, que le simple fait de la voir heureuse me comblait de bonheur.
Et puis, il y eut l’accident. Cela arriva pendant le réveillon de la Saint-Sylvestre. À l’heure du champagne, le mari avait organisé un petit feu d’artifice impromptu dans le jardin. Je ne sais pas si ce fut l’abus d’alcool, un défaut de fabrication ou la fatalité, mais une fusée dévia de sa trajectoire et retomba sur nous, enfin… surtout aux pieds de Viviane. Sa robe s’enflamma. La fête était finie.
Elle sortit de l’hôpital quelques semaines plus tard. Son beau visage et son bras gauche portaient des stigmates irréparables. Elle avait été brûlée au troisième degré, il s’en était fallu de peu qu’elle ne perd l’usage de son œil gauche. Les chirurgiens avaient accompli des miracles, mais à l’impossible nul n’est tenu.
Peu de temps après, ce mari si aimant la quitta, prétextant je ne sais quel prétexte futile ou absurde. Pauvre type. Je lui en voulu presque sur le moment. Mais l’homme est une espèce qui aime briller en société. Et comment être populaire avec une femme défigurée à son bras.
Voilà ! Vous savez tout. Ah ! Je l’entends qui revient. Nous allons pouvoir prendre l’apéritif. Dieu que j’aime cette femme.
Lumières et poussières (Joe Krapov)
Non mais dis donc, Mina D. Almond ! Tu n’as donc pas d’ardoise ou de journal intime ? Qu’est-ce qui te prend d’écrire sur les murs de ta ville ? Hooligan-e à huit ans et demie ? Tu es une précoce, hein ?
Ca se voit à ton style. On sent bien que tu as très envie de devenir enseignante plus tard pour mener les mioches à la baguette ! Ton « observez les poussière » rappelle les problèmes d’arithmétique auxquels on nous confrontait jadis :
« Dites à quelle heure le train parti de A vers B à 8 heures 30 et qui roule à la vitesse de 130 kilomètres à l’heure rencontrera le sanglier parti de X vers Y à l’heure H, l’instant T…
Calculez le retard probable du train. Même si vous n’êtes pas une lumière, ne répondez pas : « 10 heures et des poussières », s’il vous plaît. »
Comment ? Qu’est-ce que tu dis, Mina ? Ce ne sont pas des mathématiques, c’est de la poésie urbaine ? Mais il fallait le dire, ça change tout parce que là, du coup, je m’y colle au mur de l’église. Et je rends mon devoir :
Oui, Mina, c’est vrai, on ne voit pas trop de poussière qui danse sur les photos. Normal, les poussières, c’est nous. Et moi, pour la danse, je vaux zéro. Par contre, pour la lumière, je puis te l'assurer, Toulouse vaut le coup !
Je m'appelle Mina par bongopinot
Je m’appelle Mina,
L’enfant sans papa
Qui fait son cinéma
Regardez tout là-bas
Observez la poussière
Qui danse dans la lumière
Et se pose sur le lierre
D'une si jolie manière
Elle se pose et s’envole
Un petit peu frivole
Et forme une corolle
Glissant dans l’herbe folle
Dans l’ombre elle se cache
Au soleil elle s’affiche
Et quand le vent la lèche
Jamais elle ne se fâche
Dans la maison on la chasse
Car sinon elle s’amasse
Mais elle revient à sa place
Que voulez-vous qu’on y fasse.
Appréciez cette poussière
Brillante dans la lumière
Si fine et si légère
Qu’elle nous est familière.
Participation de JAK
Jaklyne joue du plumeau, comme d’autres de l’Ocarina
Chaque jour que dieu fait, partout dans les rais du soleil
Elle observe de méchants galopins, particules de poussière
Qui s’en donnent à cœur joie
Voltigeant cependant avec grâce aérienne
Tout comme le feraient des notes de musique
Aux vestiges récalcitrants qu’hier elle n’a pu éliminer
D’autres s’ajoutent continuellement issus des courants d’air.
Ils arrivent de tous les coins, et grouillent par myriade
Si bien que 400 fois par jour, elle éternue dans son mouchoir de lin
Mais malgré tous ses efforts, les granules, ces agrégats malsains restent fidèles au poste, et en tourbillon, comme un remue-ménage
Toujours, volettent, volettent, et re-volettent
Aujourd’hui, amèrement elle regrette de n’avoir pris
Une plume à la place du plumeau
Et 400 fois écrit un défi chaque samedi matin
Au lieu de bêtement s’échiner à chasser les moutons
Là au moins, elle aurait été inondée de commentaires pimentés
Tandis qu’à la place
Présentement les poussières l’assaisonnent de particules
Asséchant ses poumons malmenés
Ô tempora ! etc... (Walrus)
Le graffiti - singulière l'utilisation au singulier de ce mot latinisant pluriel ! Ne vaudrait-il pas mieux employer "inscription" ou, plus prosaïquement, "tag" à l'instar de MAP auteur(e) de la photo ? - le graffiti donc, éveille en moi d'innombrables souvenirs, mais bizarrement, rien de récent.
C'est qu'aujourd'hui, je vis en appartement où tout est carré, moderne : larges baies et stores mécaniques hermétiques, plus de tentures disjointes, plus de volets de guingois où un nœud disparu laisse passer la lumière. Le faisceau du projecteur de dias lui-même s'est éteint au profit de l'écran plasma. Plus de cabinets affichant "attout cœur" tout au fond du jardin. Et je n'entre même plus dans les cathédrales, églises ou chapelles sous les rais colorés des vitraux.
Alors je remonte dans mes souvenirs pour en extraire le plus marquant : dans le jardin de la dernière maison que j'aie habitée, sous le cerisier et ses gros bigarreaux blancs, un appentis adossé au mur du garage. Quelques clapiers, tout un outillage de jardin, des bottes, des sabots même, le tout derrière une porte à claire-voie involontaire. Je contemple dans les traits de lumière la danse capricieuse de fines poussières On n'imagine pas en plein air qu'il y ait tant de particules en suspension dans l'atmosphère... ni qu'on les inhale.
Le toit de l'appentis était constitué de plaques d'Eternit ondulé...
Bah, les lapins n'avaient de toute façon pas le temps de développer de mésothéliome !
Participation de Ristretto
Comme des myriades d'étoiles,
dans le rai de soleil
elles dansent,
virevoltent.
infimes
Où es tu mon amie,
Où êtes vous mes chers ?
elles tournoient
et s'envolent
dans le trait de lumière
quelques grains de poussière…