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Le défi du samedi
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20 février 2016

Le dernier jour (Clémence)


Ciel et soleil incandescents. Sables à perte de vue.

La porte-fenêtre s'ouvrit. Elle s'avança sous la véranda.
Silhouette longiligne, vêtue d'un chemisier et d'un pantalon blancs.
Sous ses mèches blondes, les diamants scintillaient sauvagement.
Près de sa bouche écarlate, un porte cigarette nacré.
Une volute bleutée dansait dans le souffle du vent.
Son autre main, alourdie de bagues, était posée sur la balustrade.
Elle regardait au loin, déjà ailleurs.

Les couleurs ocres et turquoise s'éteignaient doucement.
Elle recula, presque à regrets et s'assit dans son rocking-chair.
Elle se balança aussi doucement que le temps.
Les encoignures s'arrondissaient de sable ocre.
Elle ferma les yeux.

1949. La nouvelle était tombée. Artésia et son mari s'apprêtaient à quitter Kolmanskop.
Elle ne vit pas le journaliste en face. Elle ne vit ni entendit  le flash.
Il nota dans son carnet : « Sculpturale - Cariatide »
Il tenait son papier.

Quand elle ouvrit les yeux, elle vit,  sur la table basse, sa tasse de thé et le journal.
Elle secoua les grains de sable qui s'étaient aventurés sur son visage et ses vêtements.

A l'intérieur, les malles étaient faites.
Les jours à venir ne seraient plus jamais pareils. Elle quittait la Namibie.

Berlin.
La porte-fenêtre s'ouvrit. Elle s'avança sous la véranda.
Silhouette longiligne, vêtue d'un chemisier et d'un pantalon grège.
Sous ses mèches argentées, les diamants scintillaient sauvagement.
Près de sa bouche écarlate, un porte cigarette nacré.
Une volute bleutée dansait dans le souffle du vent.
Son autre main, alourdie de bagues, était posée sur la balustrade.
Son regard était ailleurs.
Elle s'assit dans son rocking-chair.
Elle se balança aussi doucement que le temps.
Elle soupira. La fatigue devenait insoutenable.
Chaque nuit, elle retournait à Kolmanskop.
Chaque nuit, elle errait dans la ville.
Elle retrouvait sa maison.
Les parquets  étaient devenus dunes, les portes étaient devenues fenêtres.
Les turquoises s'ocraient, les ocres blanchissaient.
Chaque nuit, le sable phagocytait un espace de plus.

A Berlin, jusqu'au dernier jour,  le sable enlisera sa mémoire.
A Kolmanskop, jusqu'au dernier souffle, une dame en blanc glissera dans les rues.

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Commentaires
R
mélancolique nostalgie !<br /> <br /> magnifique !
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É
"elle se balança aussi doucement que le temps"... magnifique !
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C
Merci à chacune et chacun de vous pour ces regards portés sur mon texte. <br /> <br /> Je suis émue de savoir à quel point il vous a touchés...<br /> <br /> <br /> <br /> Merci aussi à vous pour tous les partages!
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V
Un texte au temps suspendu... Surprenant. Sourire. V.
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E
superbe et pictural ! je ne peux m'empêcher de voir des tableaux de E. Hopper
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M
Bien imaginé et superbement raconté.
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P
Belles impressions ou quand la mémoire s'enlise et patine aux mêmes souvenirs.
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B
Magnifique "assise dans son rocking-chair.<br /> <br /> Elle se balança aussi doucement que le temps"<br /> <br /> <br /> <br /> le temps qui passe la nostalgie et le sable enlisa sa mémoire.<br /> <br /> <br /> <br /> Vraiment très beau j'ai vraiment aimé <br /> <br /> Bravo et Merci Clémence
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P
Superbe. Raffiné. Mélancolique. Bravo !
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J
Quel art de montrer au lieu de raconter, j'adore les auteurs qui savent créer l'atmosphère et une histoire au lieu de battre ses lecteurs avec ! C'est du fin, et c'est excellent.
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M
Superbe et doux balancement au rythme lent d'un rocking-chair ! Douce nostalgie jusqu'au moment ou "le sable enlisera la mémoire" d'Artésia !
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W
Voilà ce que c'est : à force de rêver d'une ville fantôme, on en devient un soi-même ;-)
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B
Magnifique! Nostalgie de la vieillesse, de la splendeur passée.<br /> <br /> Alain André.
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