Pauvre Mathilde (Lilou)
la voiture s’enfonça lentement dans l’eau…
Une demi heure avant :
La journée avait mal commencé ; d’abord le réveil avait pris la liberté de sonner avec une heure de retard et il avait atterri en morceaux sur la carpette. Puis Mathilde avait dû se contenter d’avaler un breuvage brun, froid et amer, qui portait par erreur le nom de café, accompagné d’un vilain quignon de pain rassis. Evidemment du liquide, la moitié fut renversée sur le courrier qu’elle n’avait pas pris le temps d’ouvrir. Depuis quand n’avait-elle pas eu une vraie nuit de sommeil…une vraie avec un oreiller douillet sous sa tête ? Elle avait enchaîné garde sur garde puis encore des gardes ; manque d’effectifs ! Son téléphone de service la sortit de son humeur chagrine et elle répondit mollement à son collègue Guillaume. Elle grimaça ; elle devait se rendre dare-dare au château du Comte Jérôme La Trémouille du Schmoll, victime dans la nuit d’un important cambriolage.
Machinalement, elle attrapa les clefs de la Citroën 007 de service et maudissant le GPS qui bien sûr ne fonctionnait pas elle démarra en cahotant. Après des errements et quelques erreurs d’itinéraires, elle rejoignit Guillaume, qui sur place depuis deux heures, inventoriait les objets volés. Outre quelques diamants et émeraudes, on comptait des tableaux célèbres : deux Picasso, un Dali, un Pollock, un Manet, un Renoir et même une tenture ancienne au point compté. Mathilde, étouffa un bâillement en pensant que c’étaient beaucoup d’histoires et de billevesées pour des petits cailloux brillants et de vulgaires copies. Un café, un vrai, aurait été le bienvenu. Soudain elle sursauta : une tenture ! Non une tapisserie de la reine Mathilde, un ouvrage prêté par le musée de Bayeux ! Un cadeau de la Reine à son mari Guillaume le Conquérant, une valeur inestimable…
Porter le prénom d’une reine valait bien un effort ! Elle oublia le café et se concentra sur l’enquête, rassembla les témoignages et ne négligea aucune piste. Au bout d’une heure, laissant la police scientifique finir son examen, les deux collègues montèrent chacun dans leur Citroën de service. Mathilde, partie la première, s’engagea sur la route qui longeait le lac. Elle récapitulait tous les éléments de cette nouvelle enquête quand, d’un petit chemin de terre, déboucha un coupé cabriolet rutilant. Au volant, Arsène Lupin lui fit un petit signe amical ; trop fort c’était trop fort ! Elle avait le coupable à portée de main. Alors sans tenir compte du danger, elle fit un demi tour digne de Fangio mais hélas elle dérapa, fit une embardée et…
Mais ça c’était hier, fallait-il y voir un signe du destin ?
se disait Mathilde engoncée dans les plumes de sa couette fleurie de petites violettes. Elle éternua plusieurs fois et toussa fortement ; une main douce, Guillaume ou Olivier ?, lui tendit un mouchoir parfumé à l’eucalyptus et lui fit boire une cuillerée de sirop pour calmer ses quintes de toux. Peu à peu, Mathilde sombra dans un sommeil léger puis fut emportée dans ses souvenirs.