Participation de Fairywen
Salles obscures
J’ai connu les places de cinéma à cinq francs (moins d’un euro pour donner une idée aux plus jeunes).
J’ai connu les cinémas avec parterre et balcon, le rideau rouge qui s’ouvrait devant l’écran de toile, les ouvreuses qui vous plaçaient à la lampe de poche si vous arriviez en retard, ces mêmes ouvreuses qui revenaient à l’entracte avec leurs paniers remplis d’esquimaux glacés pendant que le projectionniste changeait la bobine.
J’ai connu les strapontins durs comme de la pierre, mais quand on est jeune et en bande, on s’en fiche.
J’ai connu les soirées où avec cent francs (environ quinze euros), on se faisait ciné-pizza-glace.
J’ai connu les bobines de film qui faisaient des leurs et du coup les projections qui s’interrompaient. Personne ne râlait, tout le monde attendait patiemment.
J’ai connu ma ville avec une douzaine de cinémas là où à présent il y en a moins de cinq en comptant le cinéma X…
Maintenant, il y a les complexes géants, les films en 3D – bientôt en hologrammes ? –, les écrans courbes qui ne sont plus en toile.
Mais maintenant, je ne peux plus aller au cinéma toutes les semaines comme avant, lorsque j’étais une étudiante fauchée.
Maintenant le cinéma est un luxe.
Maintenant le cinéma joue sur les effets spéciaux là où avant il jouait sur les dialogues, les scénarios et le jeu des acteurs.
Alors oui, je préférais les petites salles obscures d’avant, avec leur parterre, leur balcon, leurs strapontins, leurs ouvreuses, et surtout, avec leur chaleur et leur convivialité.