VF. (Minuitdixhuit)
On en parlait entre nous, à la cantine, ça nous prenait un peu la tête, ce diplôme. Pourtant ces études à la campagne étaient agréables. Ça nous élevait beaucoup, cette vie au grand air.
Les anciens nous disaient en dodelinant : ne vous inquiétez pas, comme ça se passe ici, comme tout est bio, vous l’aurez, votre certification.
Alors ça nous donnait un peu de courage, et moi, avec Micheline, Micheline c’est ma petite amie, on se serrait un peu plus tendrement pour se le donner, finalement, ce courage, qu’on n’avait pas trop… Et me serrer contre Micheline, c’était que du bonheur, vu que sa croupe c’était vraiment la plus merveilleuse des croupes…
Mais, quand même, les vieux, les chenus, les cornus, on trouvait qu’ils ruminaient un peu facilement : nous, on était moins sûrs.
Et puis un matin, José, il s’appelait José et c’était notre maître de stage, nous a dit : là, les six vous êtes prêts, on y va.
Le jour, enfin le grand jour ! Et on est monté dans le camion, à l’arrière, tout joyeux, il y en a même un qui a amené une cloche et qui battait la quille en meuglant comme un âne.
Micheline s’est blottie contre moi, toujours inquiète. J’ai passé ma langue sur son museau pour lui dire que j’étais là et qu’elle pouvait être sereine.
Après, on est arrivé et on est descendu, le jury nous attendait en blouse blanche et mine patibulaire, des bonnes têtes de tortionnaires, comme on s’y attendait. Ils nous ont appelés un par un et c’est Micheline qu’ils ont nommée en premier.
J’ai attendu mon tour, anxieux.
Et puis j’ai vu ressortir Micheline.
Elle était pendue par les bras, elle était nue, et sur sa croupe, sa merveilleuse croupe, il y avait son diplôme marqué au fer bleu : « VF - Vache Française ».