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Le défi du samedi
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7 mars 2015

Le bazar du bizarre (Djoe L'Indien)

Nous étions dimanche lorsque je m'arrêtais devant la porte ; un dimanche après-midi, et la ville était déserte. Pas une âme vivante, hormis les ombres dansantes de trop rares nuages épars flirtant avec le soleil. Ainsi qu'un chat aperçu furtivement quelques instants auparavant.
Il semblait y avoir de la lumière à l'intérieur mais le soleil rendait la chose difficile à voir. Avec une légère hésitation je poussais la porte et celle-ci s'ouvrit en grimaçant, le tout sur un léger couinement sorti d'outre-tombe... Je n'allais pas repartir en courant, j'ai ma fierté ! Je suis alors entré. Tout doucement. Et peut-être pas aussi rassuré que je que je tentais de paraître...

Personne pour m'accueillir, sinon un fatras inexprimable d'objets loufoques et divers : cartes postales, mobiles au plafond, jeux de cartes et amoncellements de dés, luminaires et babioles de décoration, vieilles croûtes invendables ou services à gnôle dépareillés et un rayon de poupées de porcelaine presque souriantes aux robes légèrement délavées et aux pommettes roses. Les mobiles s'agitaient sans raison apparente comme pour me suivre des yeux et il me vint à l'esprit que les rayonnages n'étaient plus disposés de la même façon qu'en entrant... Peut-être n'était-ce que le fruit de mon imagination... Mais je me souviens parfaitement de ce petit rire aigu et cristallin, alors que j'observais, perplexe, l'intérieur de l’échoppe en tournant le dos aux poupées.

J'étais persuadé que la disposition avait changé, maintenant. Ce n'était pas forcément très marqué mais j'étais bien sûr de ne pas pouvoir retrouver la sortie en reprenant mon parcours en sens inverse ! Les meubles changeaient de place ; j'en ai vu un terminer sa lente glissade au moment où je tournais la tête ! Bien sûr, devant ma mine décomposée un nouveau ricanement se fit entendre, un peu plus grinçant, un peu plus perçant, un peu plus inquiétant... Il me semblait également entendre quelques murmures, de plus en plus nombreux et qui se mettaient à tournoyer dans le magasin : "tu ne sortiras pas...", "viens dans nos bras...", "...l'éternité avec nous...", sans parler de tout ce que je ne comprenais pas mais qui ne m'avait pas l'air de bien meilleure augure !

J'essayais de retrouver la porte : ouf, elle était toujours là. Mais pris dans ma réflexion, je n'entendais pas le léger vrombissement qui s'approchait ; un vieux biplan me cogna l'arrière du crâne avant de fuir à tire-d'aile ! Une très ancienne horloge se mit à sonner les douze coups de minuit sur un rythme endiablé, accompagnée presque aussitôt par un coucou qui entrait et sortait sans cesse de son chalet suisse ! Les poupées souriaient et un tigre de bronze s'étirait en se léchant les babines, sur un meuble vermoulu qui couinait sous son poids. Là, j'ai fait "gllup"...
Je commençais alors à me faufiler entre les rayonnages dans l'espoir d'atteindre la sortie rapidement, lorsqu'un petit chiot en terre cuite, hideux au possible, me fit un croche-patte m'envoyant m'étaler de tout mon long, ma tête faisant alors connaissance avec une vieille souche surmontée d'une belle grosse hache de bûcheron aux allures presque guerrières. La chose s'annonçait périlleuse...

Apercevant une brèche je m'élançais soudain, mais une armée de petits soldats de plomb vint me couper la route tout aussitôt, et leur mine patibulaire m'incita à ne pas insister. Armés de lances et hallebardes pour partie, de longs fusils ou traînant de lourds canons pour les autres, il ne faisait aucun doute qu'ils cherchaient la bagarre : je sautais dans l'allée d'à côté ! Et même parvenait à avancer de cinq pas ! Une bouilloire à sifflet me sifflait son mécontentement mais elle n'était pas assez mobile pour me stopper. Les voix en fond chantaient : "qui entre ici jamais ne sort", "objets inanimés, nous voulons tous une âmes", "reste avec nous, nous avons plein de jeux rigolos !"... Moi je ne trouvais cela que moyennement rigolo !
Je fonçais droit devant, ralentis face à une armoire pour virer... et sa porte s'est ouverte pour me fermer la voie ! Une ribambelle de lapins en peluche s'est mise à me sauter dessus mais je réussissais tout de même à approcher de la sortie. Loin derrière, une tête de lion empaillée rugissait par-dessus les cris qui disaient "ne le laisser pas s'échapper !", "attrapez-le !". Moi, c'est la porte que j'attrapais et elle s'ouvrit en gémissant, mais finit par me laisser passer...

Dehors, la ville était déserte et immobile sous le soleil. J'ai aperçu un chat et son ombre dansante, juste avant qu'il ne cesse de sourire...

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Commentaires
B
Merci et bon Week-end à toi Djoe l'indien
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D
Et merci à toutes et tous pour vos pti com' ;-)<br /> <br /> Bon week-end toulmonde
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E
il y a du "toy story" et de "la révolte des joujoux" dans cette histoire délicieusement fantastique, la chute est magistrale
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J
Presque aussi terrifiant qu'Alice au pays des merveilles la première fois qu'on le lit ! Ou qu'un conte d'Andersen !
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B
Une histoire qui fait peur avec ce tigre de bronze qui s'étire en se léchant les babines et cette armée de petits soldats de plomb et ces lapins en peluche qui t'empêchent de retrouver la sortie Et Là ! moi j'ai fait "gllup" Et ensuite "OUF" Tu t'en es sorti <br /> <br /> Bravo pour ton texte très agréable à lire ;-)
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V
rêve ou cauchemar qu'importe , le récit est endiablé en soit
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J
Très chouette que tu sois de retour ici, Djoe.
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E
Voilà un texte brillant qui évoque avec force les séquelles de certains samedis soirs trop bien arrosés. :-D
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V
Toi aussi tu as pris la porte... ça c'est normal
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W
C'est vrai qu'il n'y avait pas de quoi rire !
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