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Le défi du samedi
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7 mars 2015

Participation d'EnlumériA


Chers défiants ! Cette semaine, je n’ai pas eu le temps d’écrire quelque chose sur le thème. Aussi, je me permets, exceptionnellement, de vous proposer un petit extrait d’un roman humoristique que j’ai sous le coude en attente d’un éditeur compréhensif. Le sujet me parait dans l’esprit du thème proposé cette semaine. J’espère que vous voudrez bien me pardonner cette petite tricherie passagère.

Extrait de : « Chroniques de Charmelune ».

On trouvait de tout chez monsieur N’dialo. Absolument tout ce qui vous passait par la tête. Une idée vous traversait l’esprit ? Comme par mégarde ? Pas de problème ! Vous pouviez être sûr et certain qu’Éléazar N’ dialo avait l’objet en stock.

Sa boutique se trouvait à l’angle du boulevard du Négoce et de la rue de l’oubliette. La rue du Négoce était l’ancienne rue commerçante de Montmorence au temps où l’église était encore orientable à merci. Lorsque l’église s’est définitivement bloquée plein sud – sous le règne de François IV le Vilain – les commerçants ont cru y voir un signe du destin. Ils se sont installés sur l’avenue Rigobert et entamé des transactions avec les Berbères et les Mauritaniens au grand dam des Espagnols qui ne voyaient pas d’un très bon œil cette nouvelle lubie.

C’est précisément par cette avenue Rigobert que Monsieur N’dialo débarqua un jour en grand équipage de colporteur multicarte. Les articles qu’il proposait avaient cette qualité particulière qui éveille dans le cœur de chacun une sorte de nostalgie bienheureuse propre à raviver les souvenirs les plus chers. Les articles de monsieur N’dialo avaient aussi l’avantage d’être plus oniriques qu’onéreux. Chaque semestre, on attendait sa venue avec l’impatience d’un enfant campé près d’un arbre de Noël. Et c’est avec de plus en plus de difficulté qu’on lui permettait de repartir. Touché par cette sollicitude, l’Africain, las des allées et venues intercontinentales, accepta de s’installer à Montmorence.

La municipalité, ravie de l’arrivée d’un nouveau contribuable, lui proposa une ancienne boucherie chevaline désaffectée qui lui convint tout à fait. Inutile de vous préciser que Dom Christobal, ignorant des opinions religieuses de l’Africain, resta sur sa réserve. Il ne voyait pas d’un très bon œil l’installation d’un possible mahométan sur sa paroisse voire d’un animiste animé d’on ne sait quelles intentions. Lorsqu’il apprit que monsieur N’dialo se déclarait agnostique, il proclama que la chose était encore pire et alla de ce pas lui faire entendre ses quatre vérités. Entendez par-là ses quatre évangiles. L’entrevue fut de courte durée. À peine s’était-il présenté que son attention fut attirée par une arme étrange suspendue à un clou. Monsieur N’dialo lui expliqua qu’il s’agissait d’un christolet, un revolver à trois coups permettant de massacrer son prochain au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. L’homme d’église, soulagé de trois cents maravédis, repartit le cœur léger et la poche lourde.

Au jour d’aujourd’hui, le buste de cheval surveille encore l’entrée de l’échoppe d’un œil suspicieux. On raconte qu’il n’hésite pas à rappeler à l’ordre un client timide ou hésitant qui n’entrerait pas dans la boutique, rien que pour jeter un coup d’œil qui n’engage à rien. À ce jour, personne n’est jamais reparti les mains vides.
À ce propos, Monsieur N’dialo avait conçu un astucieux dispositif pour chasser de votre esprit toute idée préconçue. Lorsque vous poussiez la porte du magasin, ce n’était pas le tintinnabulement délicat d’un carillon qui annonçait votre présence mais bel et bien un hennissement à vous glacer le sang. Aussitôt, le gigantesque Africain surgissait de son arrière-boutique, sourire carnassier en éclaireur, et demandait d’une voix d’airain l’objet de votre visite. Naturellement, vous aviez oublié. C’est alors qu’il vous rappelait qu’il était marchand de souvenirs et vous faisait faire le tour du magasin.
Sous vos yeux émerveillés s’étalaient des quinquennats bien lustrés, des burkinabécédaires, des cendriers de la marque Cassin, des bibelots, des bibles, des bimbeloteries nationales, des chinoiseries d’Abyssinie, des loutres empaillées et des outres sans failles, des balles au bond, des kits de bondages, des épluche-légumes en plumes d’autruche, des baies rouges du Cap-Vert, des turbans de Durban, un saxotromba d’Essaouira, un portrait de saint Frumence, apôtre d’Ethiopie, du papier d’Arménie, des gambas de Gambie, des massues massaïs, des bongos du Congo, des maracas du Maroc, des wood-blocks de Woodstock sans omettre un vieux fonds de balafons, et ça jusqu’à n’en plus finir.
Passé le premier instant de stupeur, votre regard soudain juvénile s’affolait, rebondissait de-ci, de-là, de droite à gauche et de haut en bas et soudain le miracle se produisait. L’objet de votre convoitise enfoui tout au fond de votre mémoire d’enfant surgissait, là, devant vous. Cela pouvait être un camion de pompier, un sac de billes, un nécessaire de couture, une poupée de chiffon ou encore le portrait de votre premier amour. Le boucher y avait trouvé un carnet d’adresses dans lequel étaient scrupuleusement notées les coordonnées de tous ses anciens copains de régiment. Figaro le Daim découvrit, tout au fond d’un tiroir ouvert par hasard, une paire de ciseaux soigneusement étiquetée ayant appartenu à son grand-père, barbier personnel de Napoléon III. L’attention de Maxime Ribouillard tomba subrepticement sur un manuscrit d’Olympe de Gouge. La petite marchande de bisous s’y coiffa de la perruque du chevalier d’Éon. Tournisse le charpentier ? Une baobalaïka pneumatique. On raconte aussi – mais là j’y vois une pointe d’exagération – que Claudika Dromos y récupéra au fond d’une ballerine usée un plectre ayant appartenu à un hypothétique amour de jeunesse, luthiste itinérant autant que turbulent disparu sans laisser d’adresse…

La suite ainsi que le début lorsque que ce sera publié plutôt qu’oublié. Comme quoi ça ne tient qu’à une lettre.

 

Évreux, 6 mars 2015

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Commentaires
E
vive le recyclage quand il est aussi savoureux
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J
L'énumération et la description sont excel-succu-lentes !
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V
longue vie à ta nouvelle et qu'elle mitonne encore le temps d'un autre défi!!
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K
bon ça va !! alors à vendredi ! bisou
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D
On ne t'en voudras pas (trop), d'une part parce que ça colle pile poil au sujet, d'autre part parce que je crois qu'on est un certain nombre à avoir usé du stratagème (j'ai pas dit "tous", hein !) :-)
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B
Une bien agréable visite pour un dimanche il y a vraiment de tout chez Monsieur N’dialo même des bongos du Congo
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V
ce récit me renvoie à cette chocolaterie qui révèle à chacun son univers intime magique !!
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J
Pas le temps de lire donc je recycle un commentaire du mois de janvier : Je ne savais pas que Monet était buvophile (siffler un verre comme ça, c'est terrible... cela me rappelle mon chien Lucky qui volait les glaces de ma petite nièce quand elle regardait ailleurs), donc, je ne savais pas que tu allais "show me the Monet"...
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K
moi je connaissais tes personnages que j'aime beaucoup , ton imaginaire débordant <br /> <br /> a entraîné le mien en images et tu le sais ....<br /> <br /> mais de là à te pardonner ce manquement à la règle du défi !! quand même !!<br /> <br /> c'est Map qui pourra le dire ( lol)<br /> <br /> allez bisous romancier
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F
bon, ce qui me plaît le plus, c'est que la boucherie chevaline soit abandonnée !!
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V
Moi, je cherchais un outil à damer le pion... Tant pis, j'ai bien aimé la visite
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W
C'est pas de la balle (à fond) !
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