Participation d'Emma
Je me souviens…
Je me souviens de votre premier cri fragile et chevrotant…
Miracle sidérant.
Je me souviens du petit clown en fer avec une clé dans le dos.
Je me souviens du bonheur.
Je me souviens
de l'odeur de l'encre violette,
et de maître corbeau sur son arbre perché…
Je me souviens de ma première orange, à 6 ans,
cadeau du gros monsieur de la chambre voisine
à l'hôpital…
Je me souviens que sur le chemin de l'école, Gérard a coupé avec son canif
la queue d'un cochon qui dépassait d'un camion,
le pauvre gueulait tellement qu'il a ameuté tout le quartier.
Je me souviens du canard décapité qui courait dans la cour de la ferme.
Je me souviens que Matisse avait dessiné nos cartes de ciné-club,
et qu'elles étaient très moches.
Je me souviens que le serial incendiaire était un pompier.
Je me souviens que l'assassin de notre pauvre facteur était un gendarme,
et que le gendarme était le père d'un petit copain.
Je me souviens de mon enfance
Je me souviens
du corbillard noir sur la neige blanche
et de mes petits pieds
gelés dans mes souliers d'été.
Je me souviens de la douleur
Je me souviens des raggazzi de Naples
qui sifflaient nos robes légères
avec constance, sinon conviction…
Je me souviens de nos exaltations et de nos rêves
sur les banquettes en skaï du bistrot de Pierrot…
Je me souviens "du" concerto pour clarinette[1], un soir de plénitude,
un soir de plénitude où les flammes dansaient,
avec la certitude que la vie serait belle.
Je me souviens de la ferveur
Je me souviens,
mon Dieu, je me souviens,
des soirs et des matins,
des soleils et du vent, des roses et du ressac,
des couleurs et des goûts, des notes et des mots,
des baisers,
et de chaque étincelle qui fit
que la vie fut si belle.