Participation de Célestine
Fin de journée
Ce soir, j’ai traversé la cour. Le soleil de fin septembre éclairait d’une lumière poudrée les cheveux en broussaille des derniers élèves de la journée. Ceux que l’on vient chercher tard et qui ont toujours peur qu’on les oublie. Leurs petites culottes courtes flottaient sur leurs genoux cagneux, et leurs incisives avançaient en ordre un peu dispersé…
J’ai regardé ces petits poulbots courir après leur balle en mousse un peu élimée. Ils portaient au front toute l’innocence et l’espoir du monde.
J’ai pensé à ces sublimes photos de bébés en trois dimensions, dans la douce transparence du ventre de leur mère. J’ai pensé aux perce-neige, aux lionceaux qui jouent maladroits avec leurs frères, aux bourgeons des saules aux lueurs des aurores printanières.
Un immense soupir de bonheur m’a secouée comme un frisson. J’ai fermé les yeux. Maman s’est approchée de moi avec un gros morceau de clafoutis aux cerises. Elle a arrangé mes tresses en les nouant de rubans turquoise et mauves. J’ai sauté à la corde. Une corde qui avait la soie du temps qui passe sans abîmer les choses. Un lien puissant qui me tient vivante et joyeuse.
J’ai rouvert les yeux. J’ai franchi le portail de l’école en faisant un petit signe aux élèves. « Au revoir, maîtresse ! » ils m’ont crié en agitant leurs mains noires de poussière.
De loin, l’école brillait, comme une orange au soleil couchant. J’ai pensé que ce métier était vraiment ma fontaine de jouvence. J’ai souri.