Le point culminant du jour (KatyL)
Le point culminant du jour
Cet été là j’étais en vacances en Ardèche, non pas dans cette partie très touristique et tant visitée, mais sur les hauts plateaux où coulaient des rivières sauvages, et des villages avec peu d’habitants.
J’étais adepte de randonnées montagnardes et quelques jours auparavant avec le cousin Gilbert facteur à ALBON qui connaissait tous les sentiers ainsi que d’autres amis, nous avions décidé d’aller marcher du côté d’ANTRAIGUES-SUR-VOLANE, petit village perché et bien typique, ce qui nous faisait environ 32 km à pied en passant par des sentiers escarpés et bien pentus.
Nous devions arriver à bon port dans l’après-midi, et pour le retour l’oncle Emile reprendrait tout le monde en camionnette vers 18h devant la fontaine du village.
Nous étions partis tôt le matin à la fraîche sacs à dos avec ravitaillement pour le midi, bien chaussés.
L’air sentait bon les herbes, des oiseaux s’envolaient à notre passage dans un bruissement d’ailes, le soleil perçait les feuillages.
J’emportais toujours mes petits carnets car je dessinais pendant les haltes et je notais mes impressions tout le long des trajets, munie de mon appareil photo en bandoulière.
La marche fut assez longue et difficile, parfois périlleuse à cause des pentes à gravir, et la chaleur de l’été se faisait bien sentir au fur et à mesure de notre marche, heureusement je m’étais protégée du soleil par une bonne couche de crème et un bob sur la tête !
Les petits arrêts le long du parcours permettaient de respirer et de profiter des paysages splendides dont je m’extasiais sans modération !
En ces instants de répit, je notais tout ce que je voyais et je croquais vite fait une fleur, un ruisseau, un arbre, une charrette, au détour de mes découvertes ….Et, quelques phrases poétiques venaient ponctuer mes impressions.
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Arrivés à ANTRAIGUES vers 14h , les garçons prirent tout de suite la direction du bistrot pour s’en jeter une (bière) dirent-ils en chœur, me laissant la seule femme du groupe aller sur un banc du village à l’ombre des platanes boire l’eau de ma gourde et prendre des notes.
Arrivée à la hauteur du banc je vis un Monsieur déjà assis bien tranquille qui me regardait, je le reconnus tout de suite c’était le chanteur tant aimé par moi J. F. mon sang ne fit qu’un tour ! Mince alors moi qui ne pensais même pas l’apercevoir, voilà que je m’asseyais à côté de lui en lui demandant :
-« Bonjour puis-je m’asseoir ici, si je ne vous dérange pas ? Peut-être attendez-vous quelqu’un ?»
-« Oui j’attends un ami pour jouer aux boules mais il ne sera pas là avant 15h nous avons le temps de faire connaissance me dit-il avec son regard charmeur. Vous êtes randonneuse à ce que je vois, vous venez d’où ? »
-« D’ALBON où je suis en vacances, mais suis Parisienne le reste du temps, vous pensez bien que ces balades dans vos montagnes me font le plus grand bien, et j’en profite pour noter dans des carnets, ce que je vois. »
« Ah c’est TRES bien ça ! Quel est votre prénom ? »
-« Katy »
-« Voudriez-vous me montrer ce que vous avez déjà fait ? »
Je sortis mes deux carnets contenant dessins, impressions et poésies et je les lui montrai comme s’il s’agissait d’un vieil ami.
Il fut très attentif et me complimenta pour les dessins, surtout ceux avec les charrettes de foin, de fleurs et autres que j’avais dessinées le long de mes périples.
Il regarda les poèmes en souriant gentiment ou hochant de la tête, il semblait absorbé, je ne disais rien savourant cet IMMENSE privilège d’être à côté d’un tel Homme ne serait-ce qu’une heure de ma vie et de parler de moi avec lui ! Impensable le matin même.
- « Vous dessinez très bien, et vos poèmes sont très doux, emplis de contemplation, ils sont le fruit de vos observations, vous devriez continuer de faire cela, moi j’ai toujours écrit aussi pour moi, je ne me contente pas de chanter les textes de grands auteurs, mais dites-moi Katy que faites-vous dans la vie ? »
- « Je suis secrétaire, mais je rêve de peindre et d’avoir un atelier de peinture, je suis allée aux Beaux-Arts et je pensais en faire mon métier mais hélas il faut travailler pour se nourrir, la vie d’artiste ne remplit pas les assiettes »
Il rit de bon cœur me regarda droit dans les yeux, fouilla mon âme, je me sentis frissonner jusqu’aux racines de mes ancêtres.
- « Si vous avez vraiment envie de réaliser cela, faites-le ! La vie est très courte, il faut vivre ses passions le plus possible, dire et faire ce que vous sentez, je vous encourage à la vue de vos carnets à continuer, croyez-moi »
- « Mais vous savez bien que dans ce monde sans « connaissances » nous restons des anonymes avec pour certains pourtant beaucoup de talent »
Il fit une pause avant de me répondre, les boulistes s’invectivaient avec grand bruit sur la place, mais il ne les voyait pas plongé dans une profonde réflexion.
Les gens me regardaient se demandant sans doute qui était cette jeune-femme en short et chaussures de rando un peu échevelée, avec ses deux grandes nattes blondes qui parlait avec « LEUR J.F. ».
Mais je n’en avais cure car je voulais vivre à fond cet instant sublime.
-« Oui vous avez raison, le monde est offert sur un plateau à certaines personnes, certains ont tout de même du talent, d’autres pas du tout et sont «reconnus et exposés» à tort ! Le monde est ainsi fait, ne vous embarrassez pas de ces pensées qui vont vous empêcher de voler, allez de l’avant, vous trouverez le passage et les bonnes personnes, vous trouverez votre route, être connu n’est pas une fin en soi, ce qui compte c’est de remplir VOTRE vie avec ce qui vous tient le plus à cœur, ne serait-ce que pour vous, remplissez votre vie de beauté »
J’étais médusée, il me poussait à faire ce que personne dans ma propre famille et surtout pas mon père ne m’avait encouragée à faire bien au contraire ! Je voyais en cette rencontre inespérée un signe du destin, les larmes me montèrent aux yeux tant j’étais émue, il le vit, posa sa main sur la mienne en signe bienveillant de réconfort.
- « Merci lui dis-je, je m’en souviendrai de cette rencontre croyez-moi, vous êtes si connu et vous prenez la peine de parler avec moi, puis-je vous embrasser dis-je spontanément ?»
- « Oui dit-il, bien que les gens du village vont cette fois-ci m’interroger ce soir sur qui vous étiez, et bien sûr me taquiner, mais oui sans souci »
Je l’embrassai donc sur la joue comme si j’allais en ce baiser y mettre toute la tendresse du monde et il me rendit mon baiser.
Son co-équipier pour la partie de boules arriva à cet instant précis et me sourit.
Je les regardai jouer aux boules un bon quart d’heure lorsque mes copains de la marche arrivèrent dans mon dos !
- « Alors Katy tu ne t’es pas ennuyée sur ton banc, nous pas ! Nous avons bien ri avec les anciens du village, « une vraie » charrette ! » Et nous avons bu quelques bonnes bières, tu as tout raté ! »
- « Oh que non dis-je je viens de gravir des sommets inoubliables plus hauts que ceux que nous avons franchis cet été en haute Ardèche croyez-moi ! »