Orage d’hiver (Fairywen)
Orage d’hiver.
La tempête avait fait sauter toutes les lignes électriques. Dehors, la neige tourbillonnait et le vent hurlait dans la nuit tombée trop tôt. A l’intérieur, un feu brûlait dans la cheminée, et des bougies parfumées se consumaient lentement, imprégnant la pièce de leur fragile lueur et de leur douce fragrance. Malgré le déchaînement des éléments, le petit chalet perdu dans la forêt était un havre de paix.
Assis sur les couvertures étalées devant la cheminée, il s’étira voluptueusement. La lumière des flammes jouait sur les muscles puissants de son torse nu, et elle sourit en le regardant. Il était d’une beauté sauvage et dangereuse, ainsi qu’en témoignaient les cicatrices sur son corps, témoins muets mais éloquents des bagarres auxquelles il avait été mêlées. Mais il était à elle, et elle l’aimait ainsi. Il sourit en se tournant vers elle, et sa main effleura tendrement la longue chevelure noire qui s’étalait dans son dos :
« Je vais aller chercher du bois, sinon, nous ne finirons pas la nuit.
-La tempête est partie pour durer plus d’une nuit.
-Peu importe. Du moment que je suis avec toi, elle peut bien durer éternellement. »
Il se leva d’un mouvement souple et enfila un pull et un blouson, tandis qu’elle s’enveloppait dans une couverture et commençait à rassembler les pièces du jeu de petits chevaux auxquels ils jouaient peu de temps auparavant. Absorbée par sa tâche, elle ne se rendit pas compte qu’il mettait un peu plus de temps que nécessaire à revenir, et lorsqu’enfin il poussa à nouveau la porte, il ne portait aucune bûche dans ses bras.
« Que se passe-t-il ? s’enquit-elle, surprise.
-Regarde ce que j’ai trouvé dans le bois. Je ne comprends pas d’où ils sortent, je suis sûr et certain qu’ils n’étaient pas là hier ! »
Ecartant sa chemise, il lui montra deux minuscules boules de poils blotties contre lui, une noire et une blanche, deux douces petites boules avec de grands yeux bleus, des oreilles triangulaires et de longues moustaches.
« Ils sont gelés, fit-il en les posant doucement sur les couvertures.
-On ne dirait pas, rit-elle en voyant les chatons inventer un jeu inédit avec les petits chevaux de bois. »
De fait, les pièces joliment sculptées servaient de balles aux petits, qui s’étaient aussitôt mis à les chasser, les faire rouler et les envoyer un peu partout.
« Je crains que notre partie ne soit finie, sourit-il en regardant les deux petits diables s’approprier leur jeu.
-Je le crains aussi. »
Il se pencha pour l’embrasser, puis retourna affronter le blizzard pour ramener du bois. Dès qu’il fut sorti, les chatons cessèrent leur jeu et vinrent s’asseoir devant elle, l’air grave et sérieux. Un sourire illumina son visage et des étoiles se mirent à naître du bout de ses doigts et à tourner autour des chatons. Les moustaches du noir frémirent et une lune chatoyante rejoignit les étoiles. Le blanc fronça son petit nez, et une traînée de poussière scintillante enveloppa la lune et les étoiles.
« Je le savais, murmura-t-elle, vous êtes des chatons-fées.
-Il nous a vus, transmit le noir dans son esprit.
-Il a été gentil, ajouta le blanc.
-Nous serons bien avec vous, conclurent-ils en chœur.
-Et quand il verra que vous ne grandissez pas ? demanda-t-elle en les caressant.
-Peut-être qu’alors il croira enfin en la magie. »
Bien plus tard, alors que l’orage d’hiver frappait toujours autour du chalet et qu’ils s’étaient tous endormis devant le feu, elle dans ses bras et les chatons roulés en boule entre eux au creux des couvertures, une étrange sensation lui fit ouvrir un œil ensommeillé. Il vit alors le jeu de petits chevaux soigneusement posé sur la table, les pièces bien rangées à leur place. De chaque côté se trouvait un petit chat. L’un d’eux était assis, l’air indubitablement narquois. L’autre, une patte posée devant sa gueule comme s’il réfléchissait, semblait froncer les sourcils. Soudain l’une des pièces du jeu bougea de quelques cases en hennissant doucement, comme ça, sans que personne ne la touche. Le chat reposa la patte. Son adversaire se pencha, fit rouler le dé, et un autre petit cheval de bois trotta sur le plateau de jeu.
« C’est bizarre, quand même, les rêves, songea-t-il en refermant les yeux, mais celui-ci est bien joli ! »
Il ne vit pas les chatons se tourner vers lui, tandis qu’une poussière scintillante dans laquelle voguait une lune chatoyante se posait sur le couple endormi, chassant tout cauchemar qui voudrait troubler la paix du petit chalet...
Où lire l'épisode 1 et l'épisode 2 de l'histoire.