Une ligne blanche et droite (Minuitdixhuit)
La route était étroite et droite, toute étroite et droite, à travers la forêt des grands pins. Il faisait une nuit, noire, sans une lune et sans une étoile. J’étais épuisé, mais je roulais à vive allure. Et j’allais rejoindre sa pierre, vous comprenez pourquoi ?
Je l’aime.
Je savais qu’elle y dormait parce que j’avais reçu ce télégramme.
Mes yeux suivaient hypnotiquement la ligne blanche et droite du milieu, comme un rail. Cela me permettait de rester sur la route, malgré la détresse de ces foutus jours. Accumulée.
S’il y avait une ligne blanche et droite, c’était parce que la route montait et descendait pour suivre les ondulations des dunes de la forêt des grands pins. Et dans les montées, la voiture ralentissait et dans les descentes, elle accélérait, toujours en ligne blanche et droite, comme un rail.
Après cette descente la route s’était remise à monter mais, cette fois-ci, la voiture n’avait pas ralenti, au contraire, elle avait accéléré, accéléré, accéléré et la ligne blanche et droite hallucinogène de la montée, montait, montait, montait, de la route de la forêt des grands pins, jusque dans le ciel de celle-là de nuit, noire, sans une lune et sans une étoile.
C’est la lumière qui s’éteignait qui m’a réveillé, et la voix de la fille en blanc, toute droite qui avait prononcé :
- C’est fini.
Sur l’écran du moniteur de mon encéphalogramme, la ligne était blanche et droite. Comme un rail.
Mais j’étais déjà ailleurs que sur cette table de fer, j’étais à côté d’elle, enfin. J’avais rejoint sa pierre, vous comprenez pourquoi ?
Je l’aime.