Miroir, Miroir... (Prudence Petitpas)
Miroir, miroir, dis moi qui est le plus bel arbre de la forêt…Mais personne ne répondit à la question lancé en haut du ciel, juste les oiseaux qui chantaient de plus belle, les insectes qui papillonnaient, les feuilles qui tourbillonnaient du haut de leur branche ralentissant la course pour être la dernière à toucher terre… Miroir, miroir, reprenait un peu plus fort, le grand acacia du jardin, dis moi qui est le plus bel arbre de ce hallier ? Et le vent qui soufflait sa chanson, se moquant de la question, les nuages qui se bousculaient au dessus de la clairière laissant une trace blanche dans leur sillage, les oies qui planaient aux cimes des grands feuillus ricanant de les voir faire du sur place… Miroir, miroir, pleurait un peu plus le baliveau, dis moi qui est le plus beau ?
Une voix s’éleva dans les airs, une voix aigu, puissante, qui figea le temps, les oiseaux se turent, les insectes s’arrêtèrent de moustiquer, les feuilles tourbillonnantes restaient en suspension, le vent stoppa sa course, les nuages paralysés ramassèrent leur copie, les oies perdirent leurs ailes dans la foulée… la voix monta du plus profond du néant pour poser ces quelques mots à l’attention du quémandeur… « Monsieur l’arbre, vous êtes le plus beau de tous ces bois, mais à quelques lieux de là, pousse un arbrisseau, encore tout petit, mais qui sera MILLE FOIS PLUS BEAU QUE VOUS….d’ici quelques décennies… »
Puis le silence, un silence tendu, un silence froid, un silence de mort, le ciel s’obscurcit en plein après midi, le vent se mit à souffler sans chanter, les oiseaux s’affolèrent dans les branches… L’arbre qui avait posé La question se courba en deux, puis en trois, il perdit d’un coup toutes ses feuilles qui ne trainaient plus pour mourir la dernière sur le sol, les insectes en escadrons partaient dans tous les sens, le temps suspendu avait reprit vie mais comme après l’apocalypse… des nuages, déferla une pluie torrentielle, les oies courraient vers les pays chauds sans demander leur reste. L’acacia se mourait lentement, la jalousie venait d’entrer en lui comme un ver et ’empoisonnait sa sève. Il se redressa alors, prit sa respiration et poussa un grand cri énorme qui le laissa foudroyer sur place… il avait trop mal, il ne pouvait plus vivre, impossible de se déplacer jusqu’à l’arbrisseau pour le détruire afin de rester le plus beau… il n’avait plus qu’à mourir et lorsque les bucherons qui l’avaient repéré depuis plusieurs semaines, arrivèrent pour le tronçonner, il ne résista pas un instant, laissa ses branches se découper en mille morceaux et il ne resta de lui qu’un décalcomanie de son image collé sur le mur de la chambre d’un enfant tout petit, petit qui un jour deviendra si grand, si grand… comme lui…