Le magicien (d')aux oiseaux (Epamine)
- Qui m'appelle ?
- Ben, moi, l'homme au chapeau, là, devant toi!
- Non, ce n'est pas possible!
- Ne sois pas si terre à terre, Folon! Tu devais t'y attendre, non ?... Tu me parles depuis des semaines....
- J'ai toujours parlé à mes... mais...
- ...je suis le premier qui te répond, c'est ça?
- Oui!
- Fallait bien que ça arrive un jour, non? Regarde Gepetto avec Pinocchio...
- Tu veux dire que tu vas...
- Non, sois tranquille! Je ne connais aucune fée bleue et voyager en Mobydick, très peu pour moi. Si je prends la parole aujourd'hui, c'est au nom de tous les miens, enfin de tous les nôtres... Au nom de tous ces hommes, avec ou sans chapeau, que tu as fait naître depuis tant d'années, je dois te dire merci.
Toi, l'homme-sage-femme, l'hommagritte, l'homo sapiens-habilis créateur d'homo erectus en gibus, tu as peuplé le monde de tes hommes universels. La plupart du temps, tu as caché nos chevelures sous le même chapeau mais pour certains d'entre nous, tu as préféré ouvrir nos consciences. Tu as masqué nos signes d'appartenance sous un immense manteau et tu as seulement laissé sur nos visages nos simples traits d'humanité: deux yeux, un nez, une bouche. Nous ne sommes ni des golems, ni des chapeliers fous, pas plus que des épouvantails sans cerveau ou des bûcherons en fer blanc sans cœur. Nous sommes l'homme. L'homme dans sa solitude et dans sa multitude, l'homme dans ses rêves et dans ses guerres, dans ses trêves et dans ses travers, l'homme dans ses détresses et ses liesses, dans ses errances et dans ses espérances, l'homme dans les ténèbres et dans la lumière...
Tu nous as dotés de longues mains
pour attraper le soleil et les étoiles,
pour prendre une valise ou un rayon de lune,
pour tenir l'arc-en-ciel ou faire danser la pluie
pour avoir le coeur sur la main, pour tendre la main, pour serrer la main,
Tu as posé mille couleurs d'aquarelles sur les arbres, les rivières, les chemins, les maisons, les regards, les livres, les déserts, les villes...
Mais ce que tu as fait de mieux pour nous, Maître Folon, ce sont les oiseaux.
Dans nos mains, dans nos esprits, dans nos cœurs, dans nos chapeaux,
tu as laissé des milliers d'oiseaux s'installer, s'envoler, se poser, s'échapper,
et parfois même, pour nous rendre la vie légère et belle, tu nous as donné leurs ailes.
Pour tout ça, Jean-Mi, merci !"
Et tandis que l'homme de boue parlait,
Jean-Michel, heureux, s'envolait
Dans la douceur de l'éternité,
Porté par des ailes d'opale rose
Pour rejoindre les milliers d'oiseaux
Qu'il avait cachés dans les chapeaux,
Comme seuls, les magiciens osent.