Un appel pour Mister Ksaparov (Joe Krapov)
- Allô ? T’es où, là ?
- Ah tiens ! Ce cher Averell ! Figure-toi, ami Krapov, que je suis à Amsterdam en train de photographier les reflets des péniches dans les canaux. Il fait beau, il y a peu de vent, c’est un régal pour l’œil.
- Arrête de déconner, Harry ! T’es où en fait ?
- Comment as- tu fait pour deviner que je n’étais pas à Amsterdam ? Tu as raison, je suis à Séville, je visite le monastère de Santo Tradero Chrysostomo. Le cloître est magnifique avec ses arcades refaites à neuf et ses chapiteaux de rue du cirque corinthien. Les moines fabriquent des cartes postales de toute beauté en forme de quatre-quarts breton. Je viens justement d’en acheter une pour te donner de mes nouvelles.
- Non mais, allô, quoi ! T’es où, vraiment ?
- Je suis dans les jardins Boboli à Florence. Je n’ai pas trouvé la statue de Cadet Rousselle chevauchant sa tortue mais la roseraie est magnifique. Toutes ces fleurs, ça donne envie de chanter les Roses blanches… * ou de partir visiter la TransBertheSylvanie !
- Non mais, Harry, sérieux, t’es où, là ?
- Je suis sur la mythique route 66, celle qui traverse les Etats-Unis d’Est en Ouest ou d’Ouest en Est suivant le sens. Je suis à mi-chemin entre Chicago et L.A. Je suis au volant d’une Chevrolet superbe, ses chromes scintillent au soleil et sa carrosserie vert et crème me fait traverser des united strates de temps que tu n’imagines pas ! Tantôt c’est Bill Haley et ses Comets qui jouent « Rock around the clock » tantôt c’est Neil Young and the shocking pinks qui balancent leur “Everybody’s rocking”. J’ai un Stetson sur la tête…
- Désolé mais j’y crois pas une minute à tes f’Harryboles !
- Tu as raison. Il caille ici ! Je suis à Legoland à Billund au Danemark. Toute la ville est construite en lego. On vient de faire un tour aux montagnes russes et maintenant on va au mariage célébré à l’hôtel de ville. Je suis invité à la noce. C’est pour ça que je ne répondais pas à tes appels téléphoniques. Je veux en profiter un maximum
- Arrête tes conneries, Harry, tu me fais user mon forfait. T’es où là ?
- Je suis chez moi, à Rennes, imbécile ! Je viens juste de te raconter mes rêves du week-end dernier ! Tu devrais t’en douter du lieu où je me trouve puisque tu m’appelles sur mon fixe !
- Ah oui, tiens, j’ai fait le n° de ton fixe !
- Et tu n’as pu faire que celui-là : je n’ai pas de téléphone portable !
- Mais tu n’es vraiment pas moderne, Harry ! Pourquoi n’as-tu pas de portable ?
- Jusqu’à présent, ça m’a permis d’éviter les intrusions des publicitaires, de la NSA et des individus casse-bonbons dans ton genre qui ne te lâchent jamais les baskets et commencent toujours leurs phrases par : « Allô t’es où, là ? ».
- Ah oui ? Et ça marche ton système de défense ? C’est la défense Ksaparov ?
- Ça marchait jusqu’à ce que tu m’appelles et que je m’en rende compte.
- De quoi ?
- Je viens de me rendre compte qu’il y a plus nocif que les ondes électro-magnétiques.
- Ah oui, et quoi donc ?
- Averell Krapov !
*
- M'enfin, Joe Krapov ? Il n'y a pas de gag dans ton interprétation des "Roses blanches" !
- Si, il y en a un !
- Qu'est-ce que c'est ?
- Le gag c'est qu'il n'y a pas de gag dans mon interprétation des "Roses blanches" !
- Non mais allô, quoi, Joe Krapov ? T'es où là ? Au trente-sixième dessous ou au trente- huitième degré ?
- Peut-être aux quarantièmes rosissants !