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Aujourd’hui, je fête mes trente ans. Mariée, trois enfants, un poste de cadre peu épanouissant, je suis plutôt du genre sage et réservé. Je ne bois pas, je ne fume pas et je sors peu car j’ai toujours une tonne de repassage qui m’attend à la maison. Une vie très passionnante, en somme.

Ce soir, mes amies m’entrainent en boite de nuit. Ça fait bien dix ans que je n’y suis pas allée. En fait, pour être exacte, c’est depuis que j’ai rencontré celui qui allait devenir mon époux, pour la vie, pour le meilleur et pour le pire.

Mes amies ont décidé que je devais fêter cette nouvelle dizaine, autrement que par la bouteille de mousseux et le fondant au chocolat que je fais chaque année. Elles ont donc préparé une soirée de fête : restaurant chic puis boite de nuit. Selon elles, je manque de fun dans ma vie. Elles ont surement raison, mais comment pourrais-je manquer de ce que je n’ai jamais eu ?

Devant leur insistance, je me suis résignée. Elles m’ont demandé de faire un effort, alors j’ai mis une jolie robe indienne, mauve et noire à manches trois-quarts, qui m’arrive au-dessus du genou. Emma m’a prêtée ses bottes noires à talons hauts. Je suis assez surprise de pouvoir marcher avec ces choses. Elle voulait que je mette des bas mais impossible de faire tenir la bande élastique alors je les ai abandonnés au profit de petites socquettes pour protéger mes pieds.

Je suis un peu fébrile, j’ai peur des surprises qu’elles peuvent m’avoir réservée.

Emma, Mel et Sally viennent me chercher avec la décapotable de cette dernière. C’est vrai que c’est la classe d’être véhiculée ainsi, ça me change de ma vieille berline. Les filles sont excitées, on dirait que ce sont elles qui fêtent leur anniversaire.  

Elles m’emmènent dans un restaurant proche de la boite de nuit.  Le repas est bon, l’ambiance feutrée, je ris beaucoup avec mes amies. Je ne suis, cependant, pas sereine. J’ai comme un nœud à l’estomac qui ne me permet pas de profiter pleinement de la soirée. J’ai le pressentiment que quelque chose va se produire. Je suis incapable de manger avec le bon appétit qui me caractérise d’ordinaire. Les filles s’en rendent compte et expédient le repas rapidement. Nous ne prenons même pas de dessert, un comble pour un anniversaire !

La boite de nuit est encore déserte lorsque nous arrivons. Je me sens déjà plus à l’aise dans cette pénombre, je le suis encore plus lorsque l’espace se remplit d’anonymes. Nous avons une table réservée, et tout en dégustant des mojitos, je peux observer les ballets de corps inconnus. Je me sens hypnotisée par leur transe, j’oublie peu à peu mes inhibitions. Je sens monter l’envie irrépressible de m’adonner au lâcher-prise. Et c’est cette chanson que j’aime tant qui va mettre le feu à ce désir que je dois assouvir. Les premières notes de Midnight City se font entendre et je me lève en m’écriant : « j’adore cette chanson ! ». Mes amies sont surprises mais elles rient et me suivent.

Je commence à me déhancher sans réfléchir, je laisse mon corps s’exprimer en toute quiétude.  Je ferme les yeux et ressens la musique. Les vibrations des basses résonnent dans mon cœur, je sens leurs effets dans mon ventre. Mes bras virevoltent autour de moi, tandis que je penche la tête en arrière et laisse mes longs cheveux caresser mes fesses. Mon esprit s’imagine seul et heureux. Je peux entendre tout proche de moi la voix du chanteur, elle me parle, elle m’attise, elle chuchote à mon oreille cette ode à la vie. J’ouvre les yeux en sentant un souffle dans ma nuque : il est là. Le chanteur. Il murmure ses incantations au creux de mon oreille, il est dans mon dos, si proche que je ressens sa chaleur. Je me tourne vers lui, nous sommes face à face. Il chante toujours tandis que je tends la main vers lui. Il est bien là, je ne rêve pas. Cet homme à la voix envoutante et au regard brulant. Il s’approche de moi afin que je puisse le toucher et nos corps se meuvent en harmonie l’un contre l’autre. Les yeux dans les yeux, nos souffles se mélangeant, nous évoluons sans nous soucier de ce qui nous entoure. Je ne sais plus qui je suis, je vis l’instant tel qu’il se présente. Sa main remonte doucement mon bras pour effleurer ma joue. Son contact m’électrise, je passe la langue sur mes lèvres, j’ai soif, j’ai faim, je ne sais plus. J’aperçois une lueur de convoitise dans son regard. Je sais qu’il me veut. Mes seins sont durs, ils crient pour être délivré de leur gangue de coton. Mon bas-ventre me supplie de commettre l’innommable. J’ai envie de cet homme. Et il le sait. Mais la musique nous soumet à sa volonté. Inexorablement nos corps se cherchent, se repoussent puis s’attirent. La tension monte en même temps que le tempo se fait plus rapide. Nos mains s’effleurent, nos corps se frôlent, je joue de mes cheveux pour me cacher de son regard ou au contraire pour m’offrir pleinement. Je lui tourne le dos pour faire mine de m’éloigner, il me retient contre lui murmurant ses mots enchanteurs. Nos lèvres se rapprochent dangereusement et les derniers accords de la chanson résonnent sans que nous avoir laissé commettre l’irréparable. Plus rien existe autour de nous. Le temps est suspendu. Je suis ancrée dans son regard, nos respirations sont rendues rapides par le désir et chacun attend de l’autre la permission de franchir les quelques millimètres qui nous séparent. Un coup de pouce du destin et un danseur me propulsent contre lui. Nos lèvres s’unissent avec ferveur et empressement. Nos langues se cherchent et se rencontrent. Il n’existe rien d’autres que le ballet sensuel qui se joue et nos mains qui s’effleurent encore avec pudeur. J’oublie tout ce qui se passe autour de moi, je ne suis plus une mère, je ne suis plus une épouse. Je ne suis qu’une femme qui s’enivre de sensations depuis longtemps oubliées.

Le regard dans le sien, je n’existe que pour sentir sa peau contre la mienne. Je penche légèrement la tête pour lui présenter le creux de mon cou, cet endroit si tendre où pulse ma vie. Il comprend instantanément et pose ses lèvres délicates sur cette zone qui a toujours été la plus érogène. Des frissons parcourent ma peau, mes poils s’érigent tandis que les sensations se décuplent. Tout devient plus intense. Il pose ses doigts autour de mon poignet gauche et remonte doucement vers mon coude. Le chemin ainsi tracé me semble brulant, il garde l’empreinte de sa délicatesse. Ses lèvres s’affairent sereinement, la ferveur a laissé place à une exploration sensuelle : mon cou, mon oreille, ma joue, mes yeux, mon nez, mes lèvres. L’homme est méthodique pour mon plus grand plaisir. Il apprécie chaque zone offerte à lui. Il goute, savoure, exalte. Et moi, j’exulte.

Mes mains s’aventurent sur ses bras, son torse, son dos, sa nuque. Je plonge mes doigts dans ses cheveux et attire son visage afin de parcourir moi aussi cette peau qui m’embrase. Je veux le respirer comme il m’a respirée. Je veux que lui et moi ne fassions qu’un. Je me coule contre lui, il n’y a que nos vêtements qui nous empêchent d’être peau contre peau. Le désir fait rage, nous ne contrôlons plus nos pulsions. Il me prend la main et pose son front contre le mien. Nos souffles sont courts et nos yeux ne se quittent pas. Je sais qu’il attend que je m’éloigne. Je reste et m’appuie encore plus fermement contre lui. Il sourit légèrement en fermant les yeux, je l’effleure de mes lèvres. Il m’entraine vers les toilettes. Je ne me pose aucune question, je le suis. Sans aucune frayeur, je l’observe fermer la porte après que la dernière personne soit sortie. Je ne souffle aucun mot lorsqu’il prend un préservatif au distributeur, puis après un regard furtif vers moi, quelques autres. Je n’ai qu’un sourire béat aux lèvres lorsqu’il se tourne de nouveau vers moi et qu’il pose ses mains sur mes hanches. Là encore il pose son front sur le mien, en quête d’un refus. Pour toute réponse, je pose une main sur son torse et de l’autre je déboutonne un bouton de ma robe. Je laisse ainsi apparaitre la dentelle qui me gène tant depuis que je l’ai entendu chanter doucement à mon oreille. Le signal est donné, il me prend presque maladroitement les lèvres tout en soulevant ma robe. Je relève une jambe afin se sentir les effets de notre corps à corps sur lui et commence à onduler les hanches. Après un râle, il interrompt le baiser pour embrasser mon sein à travers le tissu. Dans mon bas-ventre, l’orage gronde. Je suis indifférente à l’environnement et aux gens qui frappent à la porte. Je ne vis que pour l’instant. Je suis pressée, impatiente, je souffre de ne pas être délivrée de cette tension en moi. Je saisis fermement son jeans et fais sauter bouton et braguette. Il s’immobilise, surpris de ma véhémence, et pousse une plainte faible lorsque je baisse pantalon et caleçon afin d’avoir accès librement à l’objet de mes investigations. Lorsque je le saisis entre mes mains et que je le parcoure, il frissonne violemment et reprend mes lèvres tout aussi fortement. Je frotte son sexe contre ma culotte, j’en ai assez de ce jeu de séduction. Je revêts son sexe de l’enveloppe protectrice : il me le faut en moi maintenant. Il partage le même empressement que moi. D’une main sous les fesses, il me soulève le dos contre le mur pendant que je noue mes jambes autour de lui. De l’autre main, il arrache le derrière rempart avant mon intimité puis il plonge en moi. Le feu de mon bas-ventre s’en trouve à la fois soulagé et attisé. Rien ne nous sépare, nos désirs se fondent l’un dans l’autre. Chaque coup de reins m’emplit d’un plaisir si intense que j’ai la sensation que je vais m’évanouir. Je ne peux retenir les petits cris de ravissement et je le sens attisé par mes réactions. Le rythme s’intensifie et la profondeur des mouvements se fait plus ample. La tension monte inexorablement jusqu’à je n’en puisse plus et laisse échapper un long murmure de plaisir. L’orgasme m’a pris en même temps que mon compagnon se déversait par spasme. Nous reprenons peu à peu nos esprits. Aucun mot n’est échangé, les regards sont tendres, les gestes empreints de douceur. Ce que nous avons partagé ne se commente pas, il se vit. Nous nous rhabillons sereinement. Nos cœurs s’apaisent, nos mains cessent de trembler, nos esprits sont apaisés.

Nous nous quittons à la sortie des toilettes sur un dernier baiser.

Je rejoins mes amies partagées entre le choc, la crainte et l’envie. Là encore je ne dis rien, je me contente de ressentir.

Ce soir, j’ai trente ans. Ce soir, j'existe.