Les Survivants (par joye)
Dans un de ces rêves
Qu’on fait lorsqu’on couche
Avec la faim et la pénurie,
Je marchais sur le sable.
Perdu
Dans mon balandran
Triste et troué de vieillesse,
Je longeais les palplanches
Abandonnées comme des perles
Sur la plage d’Ostende.
Contre le gris de l’horizon,
Je vis s’approcher un gamin chétif
Comme une houpée à la marée basse
Et qui traînait, au bout
D’un virebouquet douteux,
Le cadavre d’un petit chien démuni.
Le corps du pauvre clébard meurtri était
Comme la peau d'un lapin assassiné,
Comme un vieux youfte travaillé
Par le couteau d’un orphelin russe.
Le gamin
Me regarda longtemps,
Il attendait que je lui fasse
Une sorte de remontrance, je le sais.
Mais moi, l'absurde barbacole,
Je lui fis une grimace,
Mes dents jaunâtres luisant
Comme quelques gros morceaux
De fulgurite,
Cassés sous des bottes des soldats.