Une nouvelle marotte (MCL)
La première fois que je l’entendis, je sus que je ne pourrais pas lui résister. Au fond, le voir m’importait peu et son contact ne m’attirait pas davantage. En revanche, le velours de sa voix grave, aux tonalités chaudes, pouvait m’emporter très loin. Comme si j’avais été droguée ou privée de mon libre arbitre, je subissais malgré moi son bon vouloir, j’étais sous influence. Robert... Quoiqu’il me demande, je le faisais. J’avais une confiance aveugle dans son jugement au point de m’effacer derrière la moindre de ses décisions. Convaincue qu’il ne se trompait jamais, je le suivais les yeux fermés. Pourtant, si j’avais su...
C’était au mois d’avril. L’hiver s’éternisait. Malgré un soleil resplendissant l’air vif piquait mes joues rosies par le froid. La maigre végétation était recouverte d’un manteau neigeux qui donnait un air de désolation à ce paysage aux teintes blafardes. Je sortis mon téléphone portable du fond de mon sac et composai un numéro, tout en piétinant sur place pour tenter de me réchauffer. Pas de tonalité. Rien. J’étais bel et bien perdue. Il était pourtant si sûr de lui. Ce raccourci, connu de lui seul, me ferait éviter les traditionnels bouchons des vacances de Pâques. C’est ce qu’il avait prétendu, sans la moindre hésitation. Balivernes ! La confiance aveugle que je lui avais témoigné jusque là commençait à sérieusement s’effriter. Je n’étais pas folle, il était clair que je n’étais pas dans la bonne direction. Je remontai dans la voiture en claquant la porte avec une rage contenue, mis le moteur en marche et fis demi-tour pour refaire le chemin inverse. Il me fallait retourner sur mes pas jusqu’au prochain village. Une vingtaine de kilomètres plus loin, un hameau apparut et je pus enfin demander ma route.
— Vous continuez et juste avant le pont vous prenez la petite route à droite. A cinq cent mètres, vous suivez la route de gauche. Ensuite, votre GPS vous guidera jusqu’à la nationale.
La dernière phrase finit par m'exaspérer pour de bon.
— Parlons-en du GPS ! me fis-je.
Et dire que je lui faisais confiance. Pour la première fois, il m’avait trahie. Ne parvenant pas à se repérer, il n’émettait plus le moindre son. Sur l’écran, là où aurait dû s’afficher le trajet, un message était apparu, toujours le même, inlassablement : « Veuillez effectuer la mise à jour ». C’en était trop. Je l’éteignis et le débranchai, bien décidée à ne plus faire appel à ses services. Le soir même, à peine arrivée chez moi, je procédai à la mise à jour et modifiai son paramétrage. Robert avait vécu. Je jetai mon dévolu sur une voix féminine.
— Bienvenue Charlotte !