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Le défi du samedi
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29 juin 2013

TROIS TAXIS ET UN ENTERREMENT (joye)

(1)

Je venais d'arriver en France pour la première fois. J'avais vingt-deux ans, la tête pleine de rêves et une grosse valise. Après tout, j'étais venue pour y passer une année scolaire comme assistante d'anglais. Je ne connaissais personne, mais j'étais munie d'un billet, d'une adresse, et d'une bonne formation. J'avais négocié l’avion, Chicago, Montréal, CDG,  le car qui m'amenait au train, le train qui m'amenait à la Gare du Nord, et même le métro jusqu’au Quartier Latin, mais je ne voyais pas exactement où je devais descendre. Un peu perdue, je pris la grosse valise et ce qui restait de mes forces et je quittai le métro à un arrêt sans correspondance. Oui, je reconnus le risque je courais ! Un peu aveuglée par le soleil, j’ai pu repérer un petit taxi blanc à la sortie et  je demandai au monsieur de m’amener à ma destination.

-          Mais mademoiselle, c’est tout près d’ici, m’expliqua-t-il, gentiment.

-          Mais monsieur, je ne peux plus !  Ne voulez-vous pas m’y amener, s’il vous plaît ?

Et le monsieur rattrapa ma grosse valise, la mit dans le coffre, et exécuta le petit parcours de cinq minutes à peine. Il accepta tous mes remerciements et la (trop) grosse pourboire, mais quand je lui dis « Monsieur, vous êtes un ange ! », il enleva sa casquette, me fit un grand sourire et cria « Très chère mademoiselle, bienvenue en France ! ».

(2)

Plusieurs années plus tard, j’arrivais un après-midi d’avril à Angers. Le parcours entre St-Laud et le quartier St-Léonard n’est pas inabordable, et ma grosse valise était déjà consignée à l’hôtel en face, mais il faisait moche dehors, alors, je retrouvai la gare et un taxi – une belle, grosse Américaine nickel. Le chauffeur était très bien habillé, et super désintéressé par tout, surtout par cette grande Américaine-ci sans moteur. De grosses sploutchs de moitié-neige, moitié-pluie tombaient sur le pare-brise, et les essuie-glaces Ford les effaçaient silencieusement.

-          Dites, monsieur, quel temps pourri ! C’est ça, la douceur angevine ? lui demandai-je, histoire de converser un peu.

Il n’hésita pas une seconde pour répondre.

-          Non, madame, ça, c’est le printemps.

Et nous continuâmes alors en silence.

(3)

Un soir, encore à Paris, quelques années plus tard,  je raccompagnai à pied un ami à Austerlitz afin qu’il prenne son train. Pour rentrer, ce n’était pas loin, mais je n’avais pas envie d’y aller seul, et il se faisait tard. Je m’approchai du premier taxi dans la queue, et je vis le chauffeur, un homme noir comme la nuit.

-          Voulez-vous bien m’amener à la Rue Mouffetard, monsieur ?

-          Oui, mais pas de gros billets, s’il vous plaît !

-          Entendu, dis-je, et je montai dans le taxi.

-          Pas de gros billets, et comme pourboire, un bisou ! ajouta-t-il. Je vis ses yeux qui brillaient d’humour dans le rétroviseur.

-          Un bisou !  Mais qu’en dira Madame le Chauffeur ? dis-je, en riant.

-          Ben, tant que je travaille, elle sera d’accord !

(L’Enterrement)

La dernière fois que je pris un taxi, c’était ici en Iowa, à Des Moines. Je venais d’assister à un repas d’adieux, mais en ce moment-là, je ne le savais pas. Un ami de très longue date était venu me voir, et tout comme je ne savais pas que c’était la dernière fois que je le reverrais, nous passâmes la soirée à rire comme des dingues. La chauffeuse qui vint nous chercher au restaurant à la fin de la soirée était immigrée, d’Afrique, et je pus lui poser des questions sur ses expériences en Iowa. Elle dit qu’elle aimait les gens, que nous les Iowaniens étions sympathiques et généreux. Je lui dis qu’elle avait raison. Elle dit aussi qu’ici c’était tout petit, qu’elle préférerait aller vivre dans une ville plus grande. Elle rêvait de New York ou de Californie, comme le reste du monde en rêve. Elle s’étonna du monsieur venu de Paris, qu’est-ce qu’il faisait à Des Moines ? C’est une question que tout le monde doit se poser. Car c’est bien connu qu’ici, c’est tout petit, et sans intérêt.

 

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Commentaires
P
La dernière fois que j'ai pris un taxi, il m'a fait payé deux fois ma course, prétextant que la carte bancaire n'avait pas fonctionné du coup j'ai aussi fait un chèque... il a encaissé les deux ! vive les taxis !
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K
nous avons aussi "le chaussée aux moines" , mais pas à promener en taxi !! à moins que !!! ?<br /> <br /> oui des histoires de taxi on en a tous, ton récit m'y refait penser<br /> <br /> bisou
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A
Depuis que j'ai eu un ami taximan, je parle toujours avec les chauffeurs de taxi (bien que je n'en prenne que rarement), et suis sensible à leur univers. Je pense que beaucoup auraient de quoi écrire un livre. J'ai aimé tes récits, très "visuels". Et le titre. Et le commentaire de Joe sur l'Iowa petit mais doté d'une reine au grand coeur que nous avons le bonheur de connaître. Bisous!
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Z
c'est un plaisir de lire ces récits autour des taxis et personne ne t'a félicité pour le titre . ( j'ai besoin d'un peu de temps pour revenir ici mais ça se fera vous me manquez trop !)
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V
que de péripéties et cette ouverture d'esprit et du cœur sur les autres m'enchante c'est peut être pour ça que je suis toujours sur ce site du défi
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M
De bons souvenirs "taxiens" en somme (sans douceur angevine) ! J'aime beaucoup l'épisode du bisou ! :-) Et un petit message subliminal pour terminer ! Ah le rêve californien quand ça vous tient !!!!
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E
Et bien il doit y avoir des taxis parisiens gentils !! Tu a su les découvrir, des taxis angevins drôles!! tu as su les entendre, d'autres taxis parisiens coquins !! Tu as su en rire....Et une taxi Des moniales (??) pleine de rêves qui ne sait pas voir....J'aime infiniment ton récit qui nous redit "qu'on ne voit bien qu'avec le cœur" :):):)
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S
Hé bien moi, ça m'a rendu curieuse de découvrir l'Iowa!!!!<br /> <br /> <br /> <br /> Et tes histoires sont très riches! Merci de les avoir partagée avec nous.
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W
Quand tu reviens en Belgique, passe à la RTBF, tu les intéresseras sûrement, ils ont une émission qui s'appelle "Hep taxi !'<br /> <br /> Des Moines, drôle de nom pour un ville... ça me fait penser que du côté de Quiévrain, il y a un endroit appelé "Le Saint Homme" j'avais un prof d'électrochimie qui prétendait que c'était parce que c'était là que les autochtones avaient mangé le dernier missionnaire...
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C
Brèves de taxis...<br /> <br /> Un lieu ou un être n'est important que par le regard qu'on y pose. C'est ce que je retiendrai de tes tax'aventures.<br /> <br /> Sourire<br /> <br /> Vanina
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J
L'Iowa c'est tout petit mais c'est un royaume avec une reine au coeur grand comme ça et ça, on ne le trouve nulle part ailleurs.
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V
Au fil des années, des souvenirs qui t'ont marquée et qu'on partage avec plaisir!
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