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Le défi du samedi
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1 juin 2013

Le Nautilus (Vegas sur sarthe)

Elle faisait aviron cinq mètres, tout au plus cinq mètres cinquante et s'appelait - on ne sait pourquoi - Le Nautilus, en tout cas il nous fallu écoper vingt minutes avant d'y poser les pieds au sec.
Oncle Hubert avait insisté pour louer celle-ci car - disait-il - il la sentait bien.
Moi je trouvais surtout qu'elle sentait le moisi avec ses bancs tout déniapés et que ça viaunait le poisson pourri à en choper le virot!
Comme on se chamaillait pour savoir qui prendrait les rames, l'oncle expliqua qu'elles possèdent un côté qui plonge dans l'eau et un côté qui donne des ampoules... et nous montra comment prendre l'instrument par le bon bout c'est à dire par celui qui donne des ampoules.
Il ajouta que quand la rame ne repose pas sur la barque - dans cet objet qu'on nomme joliment la dame de nage - on appelle ça une pagaye et c'en fut une belle tellement on s'était mis à ramer comme des manches.
L'oncle Hubert nous ayant traités de berlodiaux et autres qualificatifs locaux en prit un (manche) dans chaque pogne et sur sa tête la lourde responsabilité de notre mener à bon port avant la nuit.
Dire qu'on appelle ça 'ramer en couple' relève de la plus pure invention puisqu'Anastazia (*) avait eu la prudence de rester à la maison.
“Regardez bien” dit-il en s'asseyant dos à la pointe “voilà ce que c'est que ramer à la ponantaise” et on comprit bien vite qu'on ne serait pas assez de quatre pour le guider dans la bonne direction.
Notre but était le grand barrage de granit au bout du lac des Cheutons (les étrangers disent Les Settons) où on espérait apercevoir quelques belles gueules de brochet.
S'il avait fait sa préparation militaire marine à Marseille sans jamais quitter la cantine des sous-officiers, oncle Hubert en avait gardé parait-il une solide expérience et comptait bien nous la faire partager.
Très inquiet du roulis qui s'amplifiait à chaque coup de rames, Petit Pierre ne fut pas plus rassuré quad oncle Hubert eut rétorqué "qu'une mer calme n'a jamais fait un bon marin".

 

Pour l'heure un rayon de soleil entre deux gros nuages noirs éclairait sa face rubiconde, éclatant témoignage de son effort et il se fendit d'un “O Sole Mio... Che bella cosa e' na jurnata 'e sole” assez déplacé et copieusement farci de canards!
Ses vocalises furent subitement interrompues par une grosse rabasse tombée d'un nuage d'encre et qui nous laissa tripés et gaugés jusqu'aux os en moins deux minutes.
On dut se résoudre à écoper à nouveau tant l'eau montait, et consoler Petit Pierre qui chouinait de plus belle.
Paradoxalement si on était trempés, on n'y voyait goutte et l'oncle jugea plus prudent d'abandonner sa nage à la ponantaise pour godiller, tourné vers l'avant.
Je reste persuadé qu'il avait surtout les fesses talées et grand besoin de se décramper les jambes.
Pour le novice que j'étais, je dirai que la godille - telle que oncle Hubert la pratiquait à cet instant - est une sorte de danse entre le twist et le mashed potatoes censée faire avancer l'embarcation et qui eut pour seul effet de nous faire perdre notre dernière rame.
Sur le barrage un forcené nous faisait des grands signes et finit par nous lancer un grappin qu'oncle Hubert manqua de peu de prendre dans les dents!
C'était le père Némot, le loueur de barques venu à notre rescousse et sans qui je ne pourrais relater cette aventure aujourd'hui.
Notre commandant Hubert avait baissé les couleurs dans la plus pure tradition de la marine - livide et claquant des dents - remis Le Nautilus à son propriétaire et pris congé à grandes enjambées en nous poussant devant lui.
On ne court jamais très vite dans des pantalons trempés mais à l'idée de nous requinquer autour du bortsch fumant qu'aurait mitonné Anastazia, on regagna la maison aux premières étoiles.
Ce que j'aime plus que tout chez la femme slave - je ne connus jamais que celle-là - c'est sa propension à ne jamais poser de questions... et ce fut bien ainsi.
(*) Anastazia: Voir le Défi#209
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Commentaires
C
Paradoxalement si on était trempés, on n'y voyait goutte<br /> <br /> <br /> <br /> je me suis marré<br /> <br /> c'est l'essentiel<br /> <br /> <br /> <br /> :)
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E
Encore heureux qu'il ai fait beau, et que la Marie-Josèphe soit un bon bateau, chantait l'autre...Là, il pleut mais tu ensoleilles avec ce beau patois !! :) :)
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P
Expressions à apprendre par coeur pour les ressortir en famille ! j'adore tout simplement ! bravo Vegas
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C
Grand merci à l'oncle Hubert pour son vocabulaire délicieux.
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S
J'adore! <br /> <br /> J'ai appris de jolies (?) expressions lol <br /> <br /> <br /> <br /> Mais au fait: il y a donc un ôté qui donne des ampoules??? Mais, pourquoi personne ne m'a prévenu quand je me suis lancée en canoë pour une descente de 20km dans les Ardennes??? Mes mains s'en souviennent encore...
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K
du grand Végas comme toujours tu m'amuses beaucoup tes récits sont étoilés et si plein de fantaisie.....sacrée Anastasia tout de même!!!! et l'oncle Hubert il danse si bien dans son embarcation c'est chavirant non !!<br /> <br /> allez bisousssss
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S
Un jour on est allés dans les marais Audomarois, on a loué une barque à moteur et au moment ou le courant pouvait faire dériver vers le canal et où il fallait surtout bien négocier son virage, le moteur a lâché... On a ramé, ça c'est sûr, mais on a évité le pire :)
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A
J'imagine l'oncle Hubert transformé en Godzilla godillant contre les éléments. Bravo, très drôle. cela me donne envie de lire "Trois hommes dans un bateau" de Jérôme K.Jérôme. Et j'ai aussi pensé au film désopilant "Oléron Liberté". Tandis qu'Anastazia, sorte de Pénélope slave, mitonne le bortsch au bercail. J'aime en particulier l'adage "On ne court jamais très vite dans des pantalons trempés"!
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C
Oh punaise qu'elle m'énerve cette tablette qui te met des mots a la place des autres! <br /> <br /> On dirait du Pagnol bien sur!!!
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C
Ton texte est un bijou, on dirait du pangolin avec un autre accent que celui de la farigoulette...ces aventures nautiques sur un frêle esquif me font penser aussi a l'ambiance de treize a la douzaine...tu m'éclates toujours autant a te lire et je suis contenté d'être ta fan numéro 1
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L
Comme toujours, les aventures les plus rocambolesques sont narrées avec un humour débridé...Merci à toi<br /> <br /> avec le sourire
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