Participation de Sandrine
« Empruntez le passage, empruntez le passage, mais merde à la fin », beugla en silence l’escalier qui en avait un peu assez de se faire piétiner. « C’est vrai quoi, les à côtés, à part un môme ou deux de temps en temps, personne ne marche dessus !».
Épris de vengeance, l’escalier s’est mis à couver de la mousse pour les glissades casse-gueule des jours de pluie, et puis à se briser les nez de marches pour être moins stable. « Ah, ils allaient moins faire les malins tous autant qu’ils étaient ! Eh, eh… La petite vieille avec son cabas lourd d’emplettes, allez hop, accident du col du fémur et le jeunot qui cloche à pied, une petite roulade et des tas d’écorchures, j’ai bien fait de laisser les cailloux bien sortir du sol !».
L’escalier savourait chaque dégringolade, ça faisait des lustres que ça durait (un lustre, c’est cinq ans) et enfin quelqu’un fut éclairé : « cet escalier, il ne sert plus à rien, si ce n’est à provoquer des accidents, alors un petit coup de pelleteuse et hop, on va régler le problème !».
L’escalier, démonté, mis au remblai, fut remplacé par un espace vert où les enfants grimpaient pour jouer à chat perché ou à cache-cache, où de fringants grands-pères donnaient à leurs petits enfants des leçons de choses, où de gentilles mamies apprenaient aux mioches de passage le parfum des roses ; alors certes, il fallait faire un petit détour mais ça en valait bien les quelques pas supplémentaires et l’on se demandait même aujourd’hui, quel était l’imbécile qui avait eu l’idée de coller là, jadis, un escalier en raccourci parce que tout de même les rallongis pour flâner et partager, c’est drôlement mieux !