20 octobre 2012
Fantochina et Polichinelle (SklabeZ)
Préambule: Une fois de plus je n'ai pas trouvé le temps de préparer un texte pour ce défi. Je vous adresse néanmoins celui-ci, que j'avais préparé et déjà publié sur Un mot. Une image. Une citation.
Portant dans ses bras la croix de bois et les fils qui l’ont toujours maintenue et animée, Fantochina la marionnette, s’assoit et détend ses jambes. Le spectacle vient de se terminer et elle essaye, à grand-peine de reprendre sa respiration.
Cela fait maintenant près de vingt ans qu’elle se donne en spectacle et les représentations sont de plus en plus éprouvantes. Malgré la fatigue, Fantochina est triste. Elle vient d’apprendre que c’est son dernier tomber de rideau et qu’on lui retire son costume de scène. Elle est triste et la perspective de finir au fond d’une cave, couverte de poussière, abandonnée sur une vieille étagère, l’incommode au plus haut point.
Professionnelle jusqu’au bout des ongles, elle avait pourtant, comme à chaque fois, répété son spectacle. Pour chasser ce trac encore et toujours présent, malgré les années, elle avait aussi fait le vide dans sa tête pour habiter et incarner son personnage… Mais tout a une fin, et pour elle, c’est la dernière fois.
Si on me remplace, qui pour prendre la suite ? Qui reprendra le flambeau pour assurer le spectacle, amuser et réconforter notre jeune auditoire ?N’ayant pas la réponse, elle décide d’interroger son marionnettiste. Ils font équipe depuis si longtemps et ils se connaissent parfaitement.
« Écoute-moi, mon ami. Depuis de nombreuses années, nous jouons avec succès, et sans relâche notre petite comédie bouffonne. Jamais nous ne pourrons supporter le désœuvrement et l’ennui. Retapons notre vieille roulotte et reprenons la route comme à nos débuts.
- Ne rêve pas, ma pauvre ! De nos jours les routes ne sont plus sûres et nos bambins n’ont plus envie de mettre le moindre sou dans notre spectacle. De plus, tu es rongée par la vermine, tes articulations sont rouillées et couinent désagréablement, tes jambes sont vermoulues, tes vêtements sont mités, ton teint défraîchi… » La critique est hostile.
Plus la critique est hostile, plus l'artiste devrait être encouragé. Loin de se démonter, elle s’enferme dans sa loge et cogite. Elle se souvient d’une histoire extraordinaire que lui avait confiée la poupée de chiffon d’une habilleuse, rencontrée il y a longtemps, dans un théâtre quelconque.
Elle rassemble les bribes de sa mémoire et commence la confection d’un masque et d’un costume de scène. Elle y consacre toute sa nuit.
Au petit matin, elle réveille son marionnettiste et lui dit : « Je ne suis peut-être plus en état de me produire, certes ! Mais toi ? N’est-ce pas toi qui, en tirant les ficelles est le seul et véritable acteur de mon rôle ? Eh bien ! À ton tour de monter sur les planches, tu seras Polichinelle ! »
Et c’est ainsi que, Fantochina convainquit son possesseur de porter le masque qu’elle lui avait confectionné pour jouer le premier rôle.
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