Le coffret (Adrienne)
« Vous ne me reconnaissez pas? » demandai-je.
La femme me lança un regard scrutateur; elle avait entrouvert la porte d'entrée. Je m'approchai et montai la marche devant la maison.
- Non, je ne vous reconnais pas.
- Je suis la petite-fille de Maurice et Adrienne S…
- Je ne vois pas de qui vous voulez parler.
Il était clair qu’elle n’avait envie ni de me recevoir, ni de se souvenir. Mais il y avait eu cette crispation fugace autour de sa bouche qui montrait bien qu’elle savait. Et ce regard fuyant au moment où elle allait me refermer la porte au nez. Alors, d’un geste brusque, je lui tendis le coffret :
- J’ai trouvé ça dans les affaires de ma grand-mère. Je crois que ça vous appartient.
Je la plantai là sans attendre sa réaction. Je ne m‘inquiétais pas : sa curiosité ferait le reste.
- Dors en paix, grand-mère, pensai-je en marchant vers la gare d’un pas plus léger, dors en paix. Si tout se passe comme prévu, elle n’aura qu’une hâte : jeter au feu ce coffret qui lui brûle sûrement déjà les doigts, le faire disparaître par les flammes avec son contenu accablant.
Je repris le train et rentrai chez moi. Les deux jours suivants, je scrutai attentivement les faits divers de quelques journaux. Je finis par découvrir ce que je cherchais.
L’explosion avait été terrible.
- Tu es vengée, grand-mère, murmurai-je en reprenant tranquillement une tasse de thé au jasmin.