Ombre et lumière (Célestine)
Comme une ombre, il glissait furtivement dans sa vie. Sa vie qui s’écoulait tel un morne ruban gris, sans joie, sans saveur, sans surprise. Il ne poinçonnait pas aux Lilas comme son illustre grand-père, pour la bonne raison que les portails étaient devenus lâchement automatiques.
Par une inhumaine restructuration de la société.
Les crissements des roues souterraines vrillaient ses tympans chaque jour un peu plus. Il ramait dur, son balai à la main. Les rames allaient et venaient dans son univers sombre de balayeur obscur. Des monceaux de mégots formaient son butin journalier, des monceaux de mégots froids, écrasés sur les ternes quais de son destin, par des voyageurs pressés qui couraient sans le voir, comme s’il était transparent.
Alors, chaque semaine, il choisissait dans les affiches placardées sur les murs du métro une actrice, une chanteuse, ou une simple vanteuse de lessive. Il la choisissait pour sa fulgurante beauté, la forme de ses yeux ou la courbe de ses seins. Et pour ses pauvres yeux rougis de travailleur de l’ombre, cette femme devenait la lumière.