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Le défi du samedi
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19 mai 2012

Le musée des curiosités (Joye)

Au contraire des tristes cathédrales peu exceptionnelles et de vieux châteaux miteux dans les environs, le musée des curiosités du village où j’ai grandi ne laissait jamais indifférents ses visiteurs. Transformées en musée suite à une démarche du gouvernement pour encourager le tourisme dans la région, les curiosités contribuées par les gens du village avait toujours été un lieu de fascination et d’admiration pour moi.

Dès que je pouvais marcher tout seul - « haut comme trois pommes » comme me disait mon père -  Papa m’y amenait afin que je me promène dans les rayons sombres et frais du musée.

J’adorais les bocaux remplis de porcelets roses à deux têtes, de chatons à six pattes. Le chirurgien avait contribué des choses enlevées des corps : une grosse balle de cheveux, des calcaires biliaires impressionnant, une grande tumeur gélatineuse préservée dans l’alcool. Il y avait aussi pas mal de squelettes : celui des veaux siamois m’emballait tellement que j’y allais toujours en premier et puis y allait lui chuchoter « au ‘voir » avant de repartir au soleil, ma main dans la main de mon papa.

Mais quand j’avais quatre ans, tout changea. D’un coup, Papa n’avait plus le temps de m’y emmener, et Maman était occupée à garder mon petit frère. Cela ne m’embêtait pas du tout, parce que Tifère était lui-même fascinant. Dès sa naissance, c’était évident qu’il était exceptionnel.

Pour commencer, il avait une très grosse tête qui avait l’air bien trop grosse pour le reste de son corps. Ses yeux gris étaient eux aussi gros et ronds, si gros que j’avais l’impression qu’ils allaient un jour jaillir de leurs orbites, en fait, j’espérais qu’ils sortiraient pendant que j’étais là, je voulais vraiment voir ça !  Il me fallut un temps pour me rendre compte que Tifère avait d’autres atouts. Maman devait lui donner son premier bain. Je constatai qu’au lieu de deux bras comme les miens, Tifère avait comme des nageoires au bout de ses épaules. Maman faisait comme ce n’était rien et elle me demanda d’aller chercher l’éponge pour son bain. Le temps que je la retrouve, Tifère était déjà lavé et remballé dans sa couverture.

Le plus chouette, c’était le bruit qu’il faisait. De sa trop grande bouche tordue sortaient des sons comme faisaient les phoques que j’avais vus une fois au cirque. Je compris alors que mon frère n’était pas un enfant, mais un phoque. J’en étais ébloui ! Et puis une chose curieuse arriva. Quand j’en parlai à papa ce soir-là au dîner, il me gifla. Papa ne m’avait jamais giflé. Maman se mit à pleurer et quitta la table. Ce soir-là, j’avais l’impression d’avoir cassé un des verres de cristal tellement prisés par ma mère. Je me couchai pour la première fois de ma vie sans bisou de mes parents, ma joue encore brûlante.

Le lendemain, l’incident était oublié, sans doute parce que nous préparions ma première journée d’école. J’eus un nouveau cartable pour l’occasion. J’en étais tout fier.

À la première récré, un groupe de grands garçons s’approcha de moi. Le plus grand, un roux aux tâches de rousseur me dit :

- Hein, c’est toi le frère du monstre ?

- Du…quoi ?

- Du phoque, quoi, t’es pas le frère du phoque ?

- Ah ça, oui ! je criai, en me dressant, encore plus fier de mon Tifère et de ma nouvelle célébrité parmi les grands.

- Pourquoi le gardez-vous chez vous ?

Je ne dis rien. D’abord,  je ne comprenais pas, mais je reconnus soudain une agressivité désagréable dans son ton.

- Ouais, pourquoi ne l’envoyez-vous pas au Musée de Curiosités ? fit un autre de la bande.

- Dans un bocal ! cria un troisième, et tout le monde éclata de rire.

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Commentaires
K
de ce gentil commentaire<br /> <br /> il faut dire que les participants sont attentifs, sympas, intéressés, joyeux ...et en "prise" directe avec les écrivains/ auteurs...qui eux mêmes sont sympas et particulièrement passionnants<br /> <br /> des soirées dans la bonne humeur<br /> <br /> Bisous à toi MAP et à toi chère JOYE lointaine uniquement par les kms , mais dans notre vie toutes les semaines autrement...<br /> <br /> sincèrement<br /> <br /> katyL
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J
Ouh, c'est méchant d'organiser un café littéraire à Nancy quand il y a des milliers - euh, que dis-je - quand il y a une francophile en exil qui n'a rien sauf quelques miettes de la table samedidéfiante pour assouvir sa faim linguo-littéraire !!!<br /> <br /> <br /> <br /> Ouh - bouhouhouhou !!<br /> <br /> <br /> <br /> ;-)
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M
Oui, et il est SUPER ce Café littéraire !<br /> <br /> :-)
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K
je fini mon pâté pour les amis, je fais des tas de choses , je le ferai ce soir après les infos<br /> <br /> ou s'il me reste du temps cet après midi.<br /> <br /> <br /> <br /> ma plume , non je ne l'ai pas perdue<br /> <br /> je les collectionne même, en rencontres d'écrivains!!car j'anime un café littéraire à NANCY<br /> <br /> bisous<br /> <br /> katyL
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J
Tu as aujourd'hui, super !<br /> <br /> <br /> <br /> ♫<br /> <br /> <br /> <br /> As-tu perdu ta plume ?<br /> <br /> As-tu perdu ta plume, plume, plume ?<br /> <br /> Allez, écris-nous un beau bout<br /> <br /> Écris-nous un beau bout !<br /> <br /> <br /> <br /> ♫
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K
d'aller mettre mes pieds dans l'eau de mer de respirer un peu l'iode, d'écouter le vent et les vagues...<br /> <br /> d'écouter le chant des mouettes rieuses comme toi chère JOYE, je suis absente demain et je pars dans les Vosges vendredi samedi et dimanche, alors je pense ne pas avoir le temps ne m'en veut pas si tel est le cas ???bisous parfumés de sel<br /> <br /> katyL
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J
@ Lise : ♥ ♥ ♥<br /> <br /> <br /> <br /> @ katyL : Oh, si c'était pas pour le va-vite, je n'écrirais pas du tout ! Allez, allez, katyL, tu as 24 heures par jour, tout comme moi, ET sept heures d'avance sur moi. Alors, il faut penser à ton public ! OH ! ;-) (voui, je taquine)
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K
en ce moment ( dur dur ) et cet été cela sera difficile, je ferai ce que je pourrai pour ne pas écrire à la "va-vite" et venir un peu<br /> <br /> gros bisous à toi<br /> <br /> katyL
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L
Il y a tant de manières d'aimer, sous le rideau de la peur. Merci pour ce texte Joye
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J
@ célestine : Merci beaucoup ! Comme anglophone, je suis un peu comme Ginger Rogers qui faisait tout ce qu'a fait Fred Astaire, mais en talons hauts et à l'envers ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> @ walrus : C'est pas de ma faute ! N'as-tu pas lu...Foc-n'ère (Faulkner) ? (har har)<br /> <br /> <br /> <br /> @ venise : Selon Google, il y a un musée des curiosités à Paris et un autre à Marseille.<br /> <br /> <br /> <br /> @ Mamido : Tu ne peux pas savoir à quel point ton commentaire me fait plaisir ! MERCI BEAUCOUP !<br /> <br /> <br /> <br /> @ EVP : J'en suis ravie, EVP, merci ! ♥<br /> <br /> <br /> <br /> @ katyL : Merci pour ton com' ! (et arrête de nous priver des textes de ta plume, hein ?)<br /> <br /> <br /> <br /> Merci encore à tous, vous êtes des choux !
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K
comme tu le soulignes en effet les enfants peuvent être cruels, mais les adultes avec leur capacité à penser ne valent guère mieux, sont pires même! pas toujours évidemment<br /> <br /> texte émouvant comme tout le monde te l'a dit<br /> <br /> une passante<br /> <br /> bisous<br /> <br /> katyL
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E
Oui, une bien belle histoire, avec sa part d'innocence et de cruauté, bravo à toi Joye, ce texte me touche énormément !!
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M
Juste pour dire, tout simplement: j'ai beaucoup aimé lire ce texte.
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V
le musée de la difformité une nouvelle version 'éléphant man!
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W
Ce petit foc m'a des allures de tourmentin, Joye...
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C
C'est délicieusement horrible, ça agace les dents et en même temps c'est plein d'humour.<br /> <br /> Tu es douée!
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J
@ anémone : La cruauté chez les jeunes, quand c'est innocent, est normal. La haine, la méchanceté, au contraire, non, ça me choque. Je pense que je connais mieux le film MASK qui parle de cette maladie chez un jeune.<br /> <br /> <br /> <br /> @ adrienne : Je ne connais pas cette histoire (que je sache) mais j'aime beaucoup de Maupassant. Merci !<br /> <br /> <br /> <br /> @ tilleul : Merci à toi de m'avoir lue et laissé un si gentil commentaire, c'est très, très sympa !<br /> <br /> ♥<br /> <br /> <br /> <br /> @ vegas : J'ai bien peur que mon deuxième frère m'insulte pire que les enfants dans l'histoire, alors, bon. Des fois, je le prenais pour un monstre - affectif sinon physique. <br /> <br /> <br /> <br /> @ MAP : Eh oui, bien vu ! c'est surtout la perte d'innocence que je visais, mais je ne pouvais pas amener l'enfant jusque là dans l'histoire, alors j'ai arrêté juste avant.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci à tous, vos commentaires me sont précieux et je vous remercie de votre générosité. J'y réfléchirai encore pendant les travaux prévus pour aujourd'hui.
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M
La différence est toujours si difficile à admettre de la part des enfants qui savent bien enfoncer le clou là où ça fait mal (l'innocence est si vite perdue)!!! Bravo Joye pour ce récit beau et cruel comme le dit Anémone !<br /> <br /> Très touchant le "« au ‘voir » !!!
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V
On voit bien que tous ceux là n'ont jamais eu de frère phoque. Rassure toi, nous on te comprend.<br /> <br /> Oh t'as ri?<br /> <br /> Pardon, j'avais cru
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T
Comme c'est beau Joye! Triste et beau... Et ce grand frère qui aime malgré tout ce Tifère tel qu'il est... C'est émouvant.<br /> <br /> Bravo pour l'écriture de ce texte magnifique!
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A
ben dis donc!<br /> <br /> moi ça me fait penser à Maupassant, le papa de Simon :-)
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A
Eh oui, les différences attirent souvent une curiosité malsaine. C'est elle que je qualifierais de monstrueuse. Sa seule excuse est que chez les enfants elle relève peut-être parfois moins de pure méchanceté que d'étourderie et d'inconscience. Encore que: les enfants ne sont pas toujours si innocents... Merci pour ce texte Joye, beau et cruel. Je ne puis m'empêcher de penser aussi à "Elephant Man".
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