Dés la naissance, j'ai ressenti ce paysage dur et rocailleux, le vent tout d'abord au printemps me caressait, puis parfois, me mordait de sa température glaciale. Il faisait partie de moi je respirais le vent, il m'atteignait jusqu'au coeur. Je grandissais heureux au milieu des miens. Je suis un Mespilus germanica, c'est comme cela que les savants m'appellent, je suis tout bonnement un néflier, un néflier du pays Basques s'il vous plait. Vous, je ne vous connaissais pas, les humains. Puis un jour, un homme est venu, je n'ai pas bien compris, mon coeur s'ouvrait à cet inconnu. Il s'est approché, à choisi une branche, puis m'a incisé, des coupures sur tout le corps, des traces sur ma chair tendre et dure à la fois puis il m'a laissé là tout étonné et secoué. Je m'en souviens encore c'était le printemps. Le vent de mai me soulageait de ses caresses. Le temps que je cicatrise et c'était déjà l'hiver. Depuis ce jour tant de rêves parcouraient ma sève, tant de tourments avec une impression hors nature, le tatoué, le scarifié c'est moi. Tant de questions. La réponse m'est venue l'hiver suivant. L'homme est revenu, m'a sectionné, m'a séparé, laissant une grande partie de moi même dans ma chère montagne. Triste, je me suis retrouvé dans un panier, avec tant d'autres comme moi. La punition continuait, on m'a amené dans une petite maison ou un atelier, sombre. Puis ensuite, nous sommes passés au four, pour faire ressortir nos tatouages en reliefs. Déposé sur une étagère, on m'a laissé là pendant, pas dix jours, pas dix mois mais dix ans. D'abord la séparation ensuite l'enfermement, mais qu' ai je donc fait ? Enfermé avec mes compagnons d'infortune, nous refaisions le monde nous rêvions de nos montagnes à nous raconter nos destins, il nous arrivait même de comparer nos tatouages. Le temps s'écoulait, simplement, quelques fois dérangé par la venue de l'homme qui nous triait, les tordus d'un côté, les biens droits posés délicatement dans un panier. Je compris qu'il valait mieux se tenir droit comme un i. Et un jour, ce fut mon tour, pourvu qu'il me pose délicatement dans le bon panier, l'homme avait vieilli. A partir de là, je suis passé entre plusieurs mains. Tout d'abord on m'a habillé d'argent. En partant du bas, une pointe, suivi d 'un martelement sur une feuille d'argent, inscrivant le nom du fabricant, ainsi que sa ville. J'avais fier allure. Plus haut le nom du proprietaire ainsi que sa devise inscrite en basque. Pour ma part : "il est bon, pour aller loin, de s'apercevoir des appuis que nous offre la vie". J'ai même eu droit au niveau du pommeau à du cuir ainsi qu'à une lame, cachée, pour armer le bras de mon propriétaire. Je vais pouvoir être donné de génération en génération, et peut être qu'à chaque marche, je retrouverai ma montagne, la respiration du vent jusqu'a mon coeur. Makila je serai.