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Le défi du samedi
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17 mars 2012

Un thé et une madeleine. (caro_carito)

« Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. […] Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. »*

Une madeleine. Une gorgée de thé. Arrêt du temps.

Je n’ai pas trouvé de madeleine. Pas la moindre miette. Je peux énumérer la tarte aux pommes fondantes du dimanche midi. Les pignons de pin de nos dînettes d’enfants. Les étals de bonbons au marché du samedi, le sac en papier marron rempli de nounours à la guimauve et de serpents longs et colorés. J’ai trouvé des éclairs, des meringues, des mokas, des tartes au sucre et des camotillos**. Du sucre candi et des cugnoles***, des marrons glacés qui reviendront enrubannés chaque décembre, des œufs de Pâques. Les pains au lait coupés en deux et recouverts d’une pellicule dure de chocolat noir de mes quatre heures. Des malabars et les mentos à la récré. Des étés diabolo fraise et le premier panaché…

Aucune madeleine.

Peut-être respirer avec délicatesse ce Pouilly-Fumé, fermer les yeux, effleurer l’âme du vin. Une gorgée et les Champs Elysées s’entrouvrent. Une deuxième gorgée, les portes à double-battant s’effacent. Une troisième, que ce vin jamais ne se tarisse puisque les paradis sont éternels

Mais l’ivresse, même légère, n’est pas félicité.

Pas l’ombre d’une madeleine. Ou peut-être cette main ouvragée par le temps. Une fillette aux nattes brunes. Le vieil homme se penche vers elle et glisse entre ses lèvres un chocolat interdit. Elle serre encore plus fort cette main si douce. Ne pas laisser s’échapper l’enfance… Fermer les yeux, fermer les poings. Ne pas laisser s’enfuir le souvenir.

 

*extrait de « Du côté de chez Swann – Combray. A la recherche du temps perdu » Marcel Proust.

** camotillos dessert péruvien à base de patates douces caramélisés au four

*** ou coquille de Noël ou cougnou… brioche que l’on déguste à Noël dans ch’nord.

http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Avesnes_sur_Helpe/actualite/Secteur_Avesnes_sur_Helpe/2008/12/23/article_la-cugnole-la-brioche-de-noel-la-petite.shtml

 

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Commentaires
K
à tout à l'heure<br /> <br /> bisous<br /> <br /> katy
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A
@ caro.carito et katyL: Bises à vous. Me réjouis de lire vos textes tout à l'heure ou demain. A bientôt, au fil de nos textes et commentaires.
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E
heu, en fait. Après plein de déménagements, j'ai grandi dans le nord, travaillé (un peu) à Bruxelles. Je suis franco-péruvienne. Je vis dans le Berry depuis qq années. Et j'ai trois garçons. je crois que c'est tout ce que l'on peut savoir de moi en lisant mes comm. :) et mon blog. et sans doute qq petits trucs assez secondaires.
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S
J'ai dégusté ton texte avec délicatesse... lentement... gorgée par gorgée... en savourant mon plaisir.
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K
ne pas perdre le fil d'Ariane tendu entre nous<br /> <br /> bisous<br /> <br /> katyL
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A
@ katyL: Merci pour ton petit mot qui me fait grand plaisir! <br /> <br /> @ katyL et caro.carito: Le thème de cette semaine (fils emmêlés) est tout à fait en accord avec une partie des motifs de mon roman, c'est super! Bisous à toutes les deux.
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A
Tant mieux. A moins que du coup cela soit banalisé? Tu parlais de peau parfois tellement absente. Mais tu fais peut-être allusion à une peau bien particulière?<br /> <br /> Tu viens du Pérou, je crois?<br /> <br /> Et j'ai cru comprendre que tu vis maintenant dans le nord de la France? Ou en Belgique peut-être? En tout cas j'ai retenu que tu connais Bruxelles, et que tu nous as parlé de Lima.
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C
merci de ta réponse anémone. Je viens d'Amérique Latine, se toucher est naturel. :)
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K
Anémone pour nous tenir au courant..<br /> <br /> et que brillent les mots..<br /> <br /> bisous<br /> <br /> katyL
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A
Je suis contente que ce soit un bon souvenir.<br /> <br /> Merci pour le texte en lien, très beau et intéressant. Quand j'étais jeune j'ai énormément souffert du manque de toucher. Pourtant ma mère me prenait parfois sur ses genoux. Mais le toucher était pauvre pour moi, manquait de vie, de reconnaissance du corps, de sensualité. J'étais très seule et j'aurais au moins voulu un animal. J'ai dû attendre longtemps avant de me réapproprier le toucher. Je ne rencontrais que des gens pour la plupart tellement distants. Depuis quelques années c'est devenu quotidien et facile. Non seulement j'ai un chat, mais un grand nombre d'ami(e)s qui savent montrer dans leurs gestes leur tendresse, comme moi aussi j'ai appris à le faire. C'est peut-être depuis lors que je peux dire comme à la fin de mon texte sur Camille et Madeleine: "Je suis au château". Car cela est pour moi la plus grande richesse.<br /> <br /> Pour le roman, je l'avais interrompu presque totalement pendant presque 12 ans. Mais je pense que le moment arrive petit à petit de m'y remettre. OK je vous tiendrai au courant!
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C
Non c'est un bon souvenir.<br /> <br /> Et j'ai juste écouté en diagonale cet interview pas eu le temps de le rembobiner ce WE, le livre avait l'air étrange et intéressant. La peau c'est tellement absent ou pas. Il y a ce texte que l'on m'a transmis... http://www.cvoyerleger.com/2011/12/se-toucher.html<br /> <br /> <br /> <br /> Un roman, n'oublie pas d'en donner des nouvelles... c'est tentant.
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A
J'essaie de lire la fin de ton texte entre les lignes, Caro. Et de savoir si je suis dans le juste quand je le reçois comme un bon souvenir. Peut-être est-ce plus nuancé?<br /> <br /> J'ai écouté le long reportage assez attentivement mais ne suis pas sûre d'avoir bien tout compris. Il y a cette histoire de délinquants sexuels. Et la mémoire de la peau. Ou peut-être l'absence du contact de la peau quand il s'agit de pornographie. Si tu as d'autres éclairages ils sont bienvenus.<br /> <br /> Une chose qui m'a intéressée mais qui est plutôt formelle, c'est quand il dit que ses personnages sont à la fois ancrés dans la réalité actuelle, et des archétypes. J'écris un roman et les personnages ont aussi cette double appartenance.<br /> <br /> Je t'embrasse.
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M
Je plussoie le commentaire de Tilleul ! Oh ce dernier paragraphe !!! Une petite merveille !!!
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C
Anémone, je crois que je vais plonger dans ce livre. j'ai écouté la chronique en diagonale mais cette histoire de peau me tracasse.... http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-russell-banks-2012-03-14
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A
"Mais l'ivresse, même légère, n'est pas félicité" comme c'est bien dit! Le vin ni les sucreries ne peuvent nous rendre béats par eux-mêmes. A moins que d'accepter d'être dupe. Il faut autre chose pour qu'opère la magie. Heureusement que revient in extremis le doux souvenir de la main aimante et du chocolat interdit. Très beau Caro, merci!
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C
Evp j'aime aussi...<br /> <br /> <br /> <br /> Tilleul, c'est le charme des nattes<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne sais pas si je pense souvent à mon enfance katyl mais j'aime beaucoup les enfants et les ados. J'aime parler avec eux, jouer avec eux.<br /> <br /> <br /> <br /> Lise, j'imagine bien un rêve se réveiller soudain nous faire un petit clin d'oeil et se rendormir un sourire aux lèvres.
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L
Fermer les yeux..juste d'asseoir dans le grenier de nos mémoires où dorment nos rêves d'enfants..et ils furent nombreux à affleurer en moi à te lire. Merci
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K
ne pas laisser l'enfance s'échapper<br /> <br /> pas tout à fait<br /> <br /> qu'il en reste quelque chose dans les yeux<br /> <br /> toi tu l'as gardé Caro-carito<br /> <br /> bravo<br /> <br /> et bisous<br /> <br /> katyL
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T
Mmmh! Que de bonnes choses toutes ces madeleines gourmandes! <br /> <br /> J'aime beaucoup le dernier paragraphe...
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E
Pas de madeleine avec le vin blanc...Moi c'est le Chassagne Montrachet qui me met les larmes aux yeux...Mais le Pouilly Fuissé miam miam aussi. Délicieux texte qui se savoure bien.
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C
et les frites Walrus, les frites... avec sauce américaine sur la plage de Port Leucate. :P<br /> <br /> <br /> <br /> Joye, pas possible parce que dans mon enfance, je ne connaissais des us que les dougnuts et pas toutes ces délicieuses choses que l'on mange par chez vous.<br /> <br /> <br /> <br /> Venise, ah moi je ne dis jamais non ! surtout si c'est un blanc sec !
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V
trinquons un verre à la main!!
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J
Bravo caro !<br /> <br /> <br /> <br /> "C'est quoi le patriotisme mais l'amour de la nourriture que nous mangions lors de notre enfance ?" - Lin Yutang<br /> <br /> <br /> <br /> ♥
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W
Bien vu Caro ! Pourquoi s'embarrasser de madeleine quand toutes les gourmandises du monde nous sont offertes ? Pour se retrouver en Marcel ?
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C
Je suis dodue c'est sûr :p<br /> <br /> <br /> <br /> Oui Joe, on disait coquille aussi mais je me souviens surtout de cugnole avec le jésus dessus. Mais le pain au lait avec le chocolat noir bien dur, ça je n'en trouve pas la trace.<br /> <br /> <br /> <br /> Végas, joli jeu de mots la quête de la madeleine perdue, on va la transmettre à Walrus.
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V
Jolie ambiance que cette quête de la madeleine perdue... et le style en plus
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J
Un peu plus loin dans le Pas-de-Calais, la cugnole s'appelle coquille ! Merci de m'avoir, de nous avoir replongés en enfance d'un seul coup avec ces belles évocations de gourmandises et de temps perdu qu'on retrouve.
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A
ah dis donc Caro, tu me rappelles Colette :-)<br /> <br /> c'est donc toi, ma madeleine?<br /> <br /> ;-)
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