L'oxygène (Venise)
L’an 2045
L’oxygène est devenu rare et cher.
L’agression se produisit à 23 h 30 exactement. Je le sus parce que j’avais été poussé à consulter ma montre l’instant d’avant. Mon compteur à air me signalait une baisse d‘oxygène et sétait mis en marche. Mais avec la clarté des réverbères cela aurait pu être l’après-midi.
Au moins une dizaine de personnes auraient pu venir à mon secours, mais personne ne bougea.
Peut-être que l’effronterie de l’agresseur avait laissé perplexe les passants.
Peut- être crut-on qu’il s’agissait d’un jeu ou d’une querelle conjugale à la sortie d’un restaurant.
Il était possible – et c’était là le plus étrange –qu’on nous ait pris pour un couple.
Une main m’empoigna par le col me plaquant si violemment contre la vitrine tout en m’arrachant mon compteur à air.
Je conservais, ma montre, mon portefeuille, mon stylo-plume, et même mon portable
L’espace de quelques heures, tout ne fut qu’un cauchemar. J’aurais préféré mourir de syphilis. Quand j’ai pu me le permettre je pus respirer au tuyau municipal qui s’enclenche toutes les trois heures jusqu’à ce que les compteurs d’air de la nationale banque se portent à mon secours. C’est la seule raison pour laquelle je suis encore en vie .C’est au moment où on pense avoir surmonté le danger qu’on se rend compte qu’on reste vivant, mais toujours au mauvais endroit et au mauvais moment.
Avec cet oxygène si cher, j’attendais qu’une hache s’abatte sur mon crâne, qu’une bombe explose, qu’une femme pour son bébé enfonce ses doigts dans mon cœur. Et dans mes rêves j’avais toujours la sensation d’avoir égaré un objet précieux qui ne devait pas me quitter de la journée : MON COMPTEUR A AIR.