Sortie sur l'île de Molène (Skl@beZ)
Dès potron-minet, en cette première journée d'un week-end de juillet, je décide d'emprunter une vedette qui, tous les sept jours en été, effectue une mini croisière depuis le port de commerce de Brest jusque l'île de Molène.
En cette demi-heure qui précède le moment de pousser du bord, se pointent les touristes que leur déguisement multicolore nous permet d’identifier entre tous. On voit bien que ce sont essentiellement des juillettistes, leur comportement est un peu fébrile. Boîtiers photo numériques et systèmes de prise de vues vidéos portés en bretelle comme une musette, ils se morfondent et espèrent quitter le ponton le plus vite possible. Empressés, ils guettent ce moment très désiré.
Dès le coup de sifflet que donne un vieux mousse loup de mer, ils se pressent tous sur tribord pour contempler les boscos choquer les élingues sur les bittes.
Et vogue l'esquif !
Et l'on se précipite, qui sur l'extrémité du pont supérieur de poupe, pour espérer ne rien perdre de cette belle vue sur cette mer d'Iroise, qui en coursive pour éclipser l'éventuel écœurement que donne si souvent cette mer, qui étendus sur de moelleux sièges pour s'efforcer et tenter de continuer leurs rêves qu’une sonnerie de réveil intempestive vint interrompre trop tôt.
Nous voguons en premier lieu en zone protégée d'un brise-vent, frôlons une jetée et nous voici en pleine mer. Route ensuite sur une presqu'île de Crozon et ses fichus submersibles, les redoutés SNLE de type Terrible et Inflexible, qui utilisent le procédé de fission comme moyen de propulsion. L'Île Longue est vite derrière nous. Nous embouquons ensuite le goulet resserré entre cette pointe des Espingouins (comme on dit chez les ti-zefs) et le feu du Portzic. Le temps est splendide, brise légère, mer d'huile. Les contours du bord de mer sont toutefois un peu estompés et embrumés, ce qui, ici, est nul doute un bon pressentiment pour le suivi des événements.
En effet, lorsque nous nous présentons en proximité de Béniguet puis de Térénez, plus de brume ! Elle s’est dissipée et nous distinguons très bien le feu des Trois Pierres tout près de Molène. Quelques delphinidés espiègles et moqueurs nous précèdent en une joyeuse escorte.
Un dernier louvoiement pour éviter quelques écueils bordés d’écume et nous touchons terre, sur le môle. Nous nous précipitons sur cette petite île et nous dispersons illico, en quête de sérénité et de quiétude dont nous sommes privés sur le continent.
Je sillonne les ruelles étroites qui longent les bicoques serrées et toutes blotties contre leurs voisines. Je me dirige vers une étroite zone couverte d'herbe courte et drue et découvre, infesté de bouillées ocres de séneçon et quelques centrophylles bleues, un vieux four de goémonier. Vieux four, vestige d'une époque où nous recueillions l'hydroxyde de sodium des fucus et phéophycées récoltés sur le cordon de grève lors des reflux de syzygie.
Sur le côté opposé du bourg on distingue une minuscule église qui côtoie des vestiges de menhirs, disposés en ligne. Près de l'isthme qui semble couper l'île en deux, est érigé un monument en forme de croix. Il commémore le dévouement de tous ceux qui, lors des deux dernières guerres, ont donné leur vie pour que leur île, leur région et leur république restent libres.
On dit que vents, embruns et intempéries de toute sorte dérouillent et pilonnent cette île, je conserve toutefois de mon excursion un souvenir délicieux et ensoleillé.